L'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, tel que modifié par la loi ALUR du 24 mars 2014, dispose que « toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit. Toutefois, l'action en révision du loyer par le bailleur est prescrite un an après la date convenue par les parties dans le contrat de bail pour réviser ledit loyer ».
Ainsi, le délai des actions en matière de baux d'habitation qui était, avant la loi ALUR, le délai de droit commun de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la réforme de 2008, a été réduit à trois ans. Ce nouveau délai s'applique sauf les exceptions prévues par une disposition législative spéciale. Il concerne notamment les actions en recouvrement des dettes locatives, loyers et charges, celles visant à la régularisation des charges locatives ou à l'exécution des réparations locatives.
On notera cependant que s'agissant des seuls baux d’habitations à loyer modéré ou soumis à la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, le délai de prescription des actions était déjà de trois ans. La loi ALUR a, en réalité, généralisé la solution pour tous les baux d'habitation à titre principal.
Le point de départ du délai se réfère à la règle générale posée à l'article 2224 du code civil : le jour où l'on a appris les faits permettant d'exercer le droit.
La prescription de l'action est une fin de non recevoir qui ne relève que de l'initiative des parties qui peuvent la soulever en tout état de cause et, aussi bien y renoncer (article 2247 et 2248 du code civil).
La question s'est posée de savoir si cette disposition nouvelle était applicable aux baux en cours ou seulement aux baux conclus après l'entrée en vigueur de la loi ALUR, soit le 27 mars 2014. On va voir que législateur est parfois hésitant et difficile à suivre.
A priori, il ne pouvait y avoir de mystère. L'article 14 de la loi ALUR énonçait que « les contrats de location en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi demeurent soumis aux dispositions qui leur étaient applicables », à l'exception toutefois de certaines dispositions nouvelles, applicables aux baux en cours, parmi lesquelles l'article 7-1 n'était pas cité.
Que la réduction du délai de prescription ne touche pas les baux en cours à la date de l'entrée en vigueur de la loi ALUR, c'est la solution immédiatement retenue, et à juste titre, par les juges (notamment cour d'appel de Paris 1er juillet 2014 n° 2014-015894).
Cependant, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, dispose dans un article 82 que l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, tel que modifié par la loi ALUR, était applicable dans les conditions de l'article 2222 du code civil.
Cet article du code civil, énonce dans son alinéa 2 qu’« en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ».
Donc le délai réduit de 3 ans s'applique pour les actions se rapportant aux baux antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi ALUR. Dans le cas où le point de départ du délai de prescription est antérieur à cette entrée en vigueur, le délai ne peut être supérieur à cinq ans. Par exemple, si trois ans se sont écoulés avant la loi ALUR, le demandeur ne pouvait disposer pour agir que de deux ans à compter du 27 mars 2014.
Il va de soi que le nouveau délai de prescription ne s'applique qu'aux baux régis par la loi du 6 juillet 1989, c'est à dire les locaux loués pour l'habitation comme résidence principale et ses accessoires et non pas aux baux relevant du droit commun du code civil (articles 1714 et suivants).
La question s'est posée en jurisprudence de l'application de l'article L137-2 du code de la consommation aux baux d'habitation de la loi du 6 juillet 1989. Ce texte prévoit que l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans. La Cour de cassation, par plusieurs arrêts du 26 janvier 2017 publié et abondamment commenté au rapport annuel pour 2017 (n° 15-27580), casse le jugement d'un tribunal d'instance qui avait retenu que si le bailleur est un professionnel de la location immobilière, la location d'un logement étant une fourniture de service et le preneur un consommateur, la règle spéciale de prescription de deux ans posée à l'article L137-2 du code de la consommation doit s'appliquer de préférence à la prescription de trois ans de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et le juge peut la relever d'office en application de l'article L141-4 du code de la consommation.
La Cour de cassation, qui semble avoir hésité sur la solution des pourvois, condamne finalement cette intéressante doctrine des juges d'instance en affirmant que « que le bail d'habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte que la prescription édictée par l'article 7-1 de cette loi est seule applicable à l'action en recouvrement des réparations locatives et des loyers impayés ». En conséquence, le juge ne peut relever d'office la prescription conformément au droit commun de l'article 2247 du code civil. Toutefois, la question demeure théoriquement ouverte s'agissant des baux ne relevant pas de la loi du 6 juillet 1989.
L'action en révision du loyer, lorsqu'elle est prévue par le contrat de bail, doit, aux termes de l'article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989, intervenir chaque année à la date convenue ou, à défaut à chaque échéance annuelle du contrat. L'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, dans son alinéa 2, dispose que « … l'action en révision du loyer par le bailleur est prescrite un an après la date convenue par les parties dans le contrat de bail pour réviser ledit loyer ».
Si le bailleur n'agit pas dans ce délai d'un an, il est réputé avoir renoncé à la clause de révision pour l'année écoulée.
Selon une jurisprudence ancienne et constante (encore confirmée par un arrêt de la Cour de cassation du 13 mars 2011, n° 10-10013), le point de départ de la prescription de l'action en répétition des loyers et charges indûment versés devait être la date du paiement des sommes dont la restitution est demandée. Le principe posé par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et posé à l'article 2224 du code civil, selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer », rendait cette jurisprudence obsolète.
La Cour de cassation en a finalement pris acte et a opéré un revirement par un arrêt du 9 novembre 2017 (n° 16-22445) en retenant que le point de départ du délai de prescription de trois ans de l’action en répétition des charges indûment perçues par le bailleur d’habitations à loyer modéré est le jour de la régularisation des charges, qui seule permet au preneur de déterminer l’existence d’un indu, et non celui du versement de la provision.
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