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Le pacte de préférence en vente immobilière

  • camille7694
  • 10 juil.
  • 5 min de lecture
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Le pacte de préférence, né de la pratique, est, depuis la réforme du droit des obligations intervenue en 2016, défini à l'article 1123 du code civil comme « un contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».

 

Le domaine de ce pacte est général et inclut tout ce qui se vend et s'achète. En matière immobilière, on peut y voir un droit de préemption privé résultant non de la loi mais de la libre volonté des parties. Le pacte constitue une restriction aux droits du propriétaire de disposer librement de son bien garanti par l'article 544 du code civil.

 

En droit strict, le pacte de préférence constitue une promesse unilatérale conditionnelle. Il ne peut pas neutraliser un droit de préemption légal dont les conditions seraient remplies.

 

Un tel pacte a la nature d'une créance personnelle et peut donc être cédé (Civ, 3ème, 24 mars 1999, n° 96-16040, Publié), à moins qu'il ait été expressément consenti intuitu personae.

 

Le contrat doit comporter la description du bien en cause et, le cas échéant, indiquer la durée de la validité du pacte et préciser les modalités de sa mise en œuvre. Le prix du bien peut être arrêté dans le pacte, si les parties le souhaitent, mais le plus souvent il ne l'est pas. Il a été expressément jugé que ni l'indication du prix, ni celle d'un délai ne sont des conditions de validité de ce pacte (Civ, 3ème,  15 janvier 2003, n° 01-03700, Publié). La stipulation d'une clause pénale peut venir renforcer son effectivité.

 

Les parties peuvent assurer la publication du pacte au registre foncier. Mais cette mesure n'est pas obligatoire et n'a pas pour effet de rendre le pacte opposable aux tiers. En revanche, cette publication peut constituer un moyen de preuve utile en cas de litige.

 

En pratique, un tel pacte est souvent associé à un bail, en particulier à un bail commercial. Le bail, en effet, peut inclure une clause de préférence en cas de cession des locaux.

 

1.             Le pacte de préférence implique l’obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu’il décide de vendre le bien. Pour le promettant, consentir à un tiers une promesse unilatérale de vente caractérise une violation du pacte de préférence (Civ, 3ème, 6 décembre 2018, n° 17-23321, Publié).

 

Si le fait d'accorder un droit de préférence n'interdit pas au propriétaire de faire usage de son bien et de le gérer normalement, il ne saurait le louer à un tiers selon un bail qui accorderait à ce dernier un droit de préemption en cas de vente du bien. Le promettant priverait le droit de préférence de toute consistance et serait appelé à indemniser le bénéficiaire du pacte (Civ, 3ème, 1er avril 1992, n° 90-16985, Publié ; Civ, 3ème, 10 mai 1984, n° 82-17079, Publié).

 

L'acceptation de l'offre par le bénéficiaire, soit dans le délai fixé par le pacte, soit à défaut dans un délai raisonnable (article 1117 du code civil), vaut vente (Civ, 3ème, 7 février 2019, n° 18-14138 ; 22 septembre 2004, n° 02-21441, Publié).

 

Si le prix n'a pas été arrêté dans le pacte, le promettant doit le fixer de bonne foi (article 1104 du code civil : les contrats doivent être exécutés de bonne foi), et faire une offre à des conditions raisonnables au regard des prix du marché. Il engagerait sa responsabilité civile s'il tentait de paralyser le pacte de préférence en fixant des conditions de cession inacceptables. Si le bénéficiaire du pacte fait une contre-offre, l'obligation de se comporter de bonne foi interdit au promettant de couper court en refusant la négociation.

 

Le bénéficiaire peut à tout moment renoncer au droit de préférence, soit de manière expresse, par un acte, soit de manière tacite mais à la condition qu'il n'y ait aucune équivoque possible (Civ, 3ème, 2 février 2022, n°21-10527).

 

Lorsque le promettant lui offre de vendre, le bénéficiaire est libre de contracter ou non. S'il refuse, le promettant est libéré de ses engagements et peut céder à un tiers.  

 

2. Les litiges surviennent généralement lorsque le promettant ne respecte pas le pacte et, soit vend son bien à un tiers, soit consent à un tiers des droits sur le bien incompatibles avec le respect du pacte de préférence.   

 

En cas de vente à un tiers en méconnaissance du pacte, le litige est réglé différemment selon que le tiers, bénéficiaire de la vente, est de bonne foi, c'est à dire ignorait les droits sur le bien conféré au bénéficiaire du pacte, ou, dans le cas contraire, de mauvaise foi (article 1123, alinéa 2, du code civil).

 

Lorsque le tiers était de bonne foi, la vente intervenue à son profit ne peut être remise en cause.

 

Mais le bénéficiaire du pacte peut obtenir du promettant, par l'allocation de dommages et intérêts, la réparation du préjudice subi du fait de la violation du pacte de préférence. Le bénéficiaire de la promesse doit établir la réalité de son préjudice, notamment qu'il aurait acquis et aurait eu les moyens de le faire, si le pacte avait été exécuté de bonne foi. Tous les préjudices, matériels et moraux, peuvent être pris en considération. Ainsi, par exemple, de la perte de chance d'un preneur à bail commercial de valoriser son fonds de commerce par l'acquisition des locaux.

 

Selon une jurisprudence classique (Civ, 3ème, 14 mars 2007, n° 05-21814, Publié ; Chambre Mixte, 26 mai 2006, n° 03-19376, Publié) que la loi est venue consacrer en 2016  (article 1123, alinéa 2 du code civil), si le tiers acquéreur connaissait l'existence du pacte de préférence et l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dont il se déduit qu'il a contracté de manière frauduleuse, ce bénéficiaire peut, selon les circonstances, soit agir en nullité de la vente conclue en violation du droit de préférence, soit demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu. Dans le premier cas, la situation antérieure est rétablie. Dans le second, le bénéficiaire du pacte acquiert le bien aux mêmes conditions, notamment de prix, que le tiers de mauvaise foi.

 

Il incombe donc au bénéficiaire du pacte de rapporter la double preuve de la connaissance par l'acquéreur, professionnel ou pas, non seulement de l'existence du pacte mais aussi de l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir (Civ, 3ème, 4 mars 2021, n° 19-22971, Publié).

 

La connaissance d'un pacte de préférence et de l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir s'apprécie à la date de la promesse de vente, qui vaut vente, et non à celle de sa réitération par acte authentique (Civ, 3ème, 25 mars 2009, n° 07-22027, Publié).

 

Il va de soi que le notaire qui instrumenterait une vente immobilière réalisée en violation d'un pacte de préférence dont il aurait connaissance, engagerait sa responsabilité professionnelle (Civ, 1ère, 11 juillet 2006, n°03-18528).

 

3.  Pour renforcer l'effectivité du pacte de préférence, et sécuriser en même temps les transactions, l'ordonnance de 2016 a introduit à l'article 1123, aliéna 3 et 4, du code civil, une action interrogatoire visant à prévenir les litiges. Le candidat acquéreur, s'il est informé qu'un pacte de préférence a été conclu sur le bien, éventuellement plusieurs années auparavant, peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer l'existence d'un tel pacte et de préciser s'il entend s'en prévaloir. Un délai de réponse doit être spécifié, au terme duquel et à défaut de réponse, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat.

 

Il ne semble pas que les juges aient été encore appelés à se prononcer sur les modalités d'application de ces dispositions. On suppose, à tout le moins, que le notaire appelé à authentifier la vente, devra clarifier la situation, même si le bénéficiaire du pacte, lié par exemple par une clause de confidentialité, s'est abstenu de répondre à l'action interrogatoire.



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