Le calcul du délai de rétractation en vente immobilière
- camille7694
- il y a 6 jours
- 3 min de lecture
Arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2024 n° 23-12.652 Publié
Par un acte du 28 août 2018 régularisé par agent immobilier, une personne s'engage à acquérir un immeuble. L'agent immobilier notifie l'acte à l'acheteur par lettre recommandée du 30 août 2018, reçue le 4 septembre suivant.
Le vendeur, non professionnel, exerce le droit de rétractation de l'article L271-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH), par lettre recommandé expédiée le 15 septembre.
Considérant tardive cette rétractation, l'agent immobilier assigne l'acheteur en responsabilité délictuelle devant le tribunal judiciaire de Béthune. Par jugement du 15 septembre 2020, le tribunal fait droit à la demande de l'agent immobilier et condamne l'acheteur à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts. La juridiction du premier ressort retient que le droit de rétractation a été exercé tardivement, le délai ayant commencé à courir le lendemain de la réception le 4 septembre de la lettre recommandée, pour expirer le 14 septembre à minuit.
Devant la cour d'appel de Douai, l'acheteur soutient avoir régulièrement exercé son droit de rétractation dans le délai découlant des articles L 271-1 du CCH et 641, alinéa 1, du code de procédure civile (CPC) considérés ensemble.
L'article L271-1 du CCH dispose que la rétractation doit intervenir dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre notifiant l'acte.
Les dispositions générales du CPC relatives à la computation des délais, sont les suivantes :
L'article 640 du code de procédure civile prescrit que « lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ».
L'article 641, alinéa 1, du CPC précise que « lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas ».
L'article 642 du même code ajoute que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et que le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
La cour d'appel constate que l'agent immobilier a notifié l'acte par courrier recommandé du 30 août, distribué le 4 septembre. Le délai de 10 jours a commencé de courir le mercredi 5 septembre pour expirer le vendredi 14 septembre à vingt-quatre heures. En conséquence, l'exercice du droit de rétractation par courrier recommandé du 15 septembre était hors délais.
Devant la Cour de cassation, le représentant de l'acheteur soutenait en substance que dès lors que l'article L271-1 du CCH dispose que le délai de rétractation de 10 jours court à compter du lendemain de la présentation du courrier recommandé, l'événement qui, au sens de l'article 641, alinéa 1, du CPC, fait courir le délai est non pas le jour de la présentation de la lettre mais l'écoulement du jour du lendemain. En conséquence, le délai de jour court à compter du surlendemain de la présentation du courrier recommandé. En d'autres termes, les reports du point de départ du délai énoncés dans les articles L271-1 du CCH, et 631, alinéa 1, du CPC se cumuleraient.
La Cour de cassation écarte ce moyen en énonçant que les articles L271-1 du CCH et 641, alinéa 1, du CPC expriment la même règle et que leurs effets ne se cumulent pas.
Cela paraît peu discutable et il est curieux que la Cour de cassation qui aurait pu écarter un tel moyen sans motivation, ait souhaité y répondre par un arrêt spécialement motivé, qu'elle a, mieux encore, décidé de publier. C'est, peut-être, l'indice d'une brève hésitation...
Quoiqu'il en soit, le délai de l'article L 271-1 du CCH court à compter du lendemain du jour de la présentation de la lettre recommandée et expire le dixième jour à 24 heures. Ce texte, inspiré du droit de la consommation et favorable aux intérêts de l'acheteur, présumé partie faible au contrat de vente, n'est pas, sauf négligence coupable, difficile à respecter.
Camille Terrier
Comments