Qu'est-ce que le commodat ?
Aux termes de l'article 1875 du code civil, « le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi ».
Dans les articles suivants (1876 à 1879), le code civil énonce encore que le commodat est par nature gratuit, que le prêteur demeure propriétaire de la chose louée, que tout ce qui est dans le commerce et ne se consomme pas par l'usage peut faire l'objet de cette convention, que les engagements qui découlent de cette convention passent aux héritiers de parties, mais que, toutefois, les héritiers de l'emprunteur ne peuvent continuer à jouir de la chose prêtée s'il n'avait été consenti au prêt qu'en considération de la personne de l'emprunteur.
Dans les articles 1880 et s., le code civil précise ce que sont les obligations, engagements et responsabilités de l'emprunteur d'une part, et du prêteur d'autre part.
Commodat et héritiers
En pratique, l'usage le plus fréquent du commodat permet à un propriétaire de mettre gratuitement et temporairement un bien immobilier à la disposition d'une personne appartenant, par exemple, au cercle de famille ou d'amitié. Une telle convention clarifie par exemple la situation de celui des héritiers qui occupent un bien immobilier en indivision. Elle permet aussi d'écarter la suspicion d'une donation déguisée.
La rédaction d'un écrit n'est pas une condition du contrat qui peut parfaitement se nouer verbalement. Mais, comme en matière de bail, le commodat verbal risque de susciter de sérieuses difficultés d'application. Celui qui se prévaut de la convention de commodat à charge d'en établir l'existence et le contenu.
Le prêt à usage d'un bien immeuble n'est pas une donation au bénéfice d'un héritier, ni une contrepartie indirecte rapportable, et ne serait rapportable à la succession que s'il était démontré, tout à la fois, la volonté du disposant de gratifier son héritier et l'appauvrissement de ce disposant (Civ, 1ère, 11 octobre 2017, n° 16-21419 ; Civ, 1ère, 22 juin 2016, n° 15-18086 ; Civ, 1ère, 18 janvier 2012, n° 09-72542, et trois autres arrêts du même jour).
Prise en charge des frais dans le commodat
La condition de gratuité est de l'essence du commodat (article 1876 du code civil). Si une quelconque contrepartie de l'occupation des locaux, en numéraire ou en nature, est requise de la part de l'emprunteur, la qualification de commodat serait écartée au profit de celle de bail, avec toutes les conséquences de droit pour les parties. La seule charge qui incombe à l'emprunteur est celle d'entretenir le bien (article 1880 du code civil), selon les distinctions posées par l'article 606 du code civil (qui énumère les grosses réparations et celles d'entretien, dites locatives).
Le prêteur reste le seul redevable de la taxe foncière. En revanche, il est admis et ne prête pas a priori à requalification, que l'emprunteur paie la taxe d'habitation (s'il en est redevable), les charges afférentes à l'immeuble, notamment les charges de copropriété ou la contribution à l'audiovisuel public et qu'il lui soit fait obligation de s'assurer.
Commodat et transfert de propriété
Le commodat n'opère pas un transfert de propriété (pas de publicité foncière) et l'emprunteur n'est pas davantage un usufruitier. Celui-ci ne peut donc louer le bien ou en faire un autre usage que celui prévu par la convention de commodat (à peine de dommages et intérêts, ajoute l'article 1880 du code civil). La période d'occupation des lieux en vertu du commodat ne peut être comptée pour une éventuelle acquisition de la propriété par prescription.
Commodat et disparition ou détérioration de la chose prêtée
Les articles 1881 à 1884 du code civil règlent précisément les conséquences de la disparition ou de la détérioration de la chose prêtée. En substance, l'emprunteur répond des dommages s'ils sont arrivés par sa faute ou sa négligence, même s'il s'agit d'un cas fortuit. Plusieurs emprunteurs de la même chose sont solidairement responsables vis à vis du prêteur. Le prêteur est responsable des préjudices résultant des défauts de la chose dont il avait connaissance (article 1891 du code civil).
Commodat et date de restitution
« L'obligation pour le preneur de rendre la chose prêtée après s'en être servie est de l'essence du commodat » (Civ, 3ème, 19 janvier 2005, n° 03-16623). Mais il en va différemment selon qu'une date de restitution est prévue ou non.
Le contrat écrit peut prévoir une date d'expiration du prêt. Dans ce cas, l'emprunteur doit restituer les lieux à la date contractuellement fixée, sans que le prêteur soit astreint à une quelconque formalité. Un congé ou une mise en demeure ne sont pas nécessaires en droit, quoiqu'ils puissent être utiles en pratique (Com, 7 décembre 1993, n° 91-11364). En revanche, le prêteur ne peut en principe récupérer son bien avant l'échéance spécifiée contractuellement, à moins que le besoin de l'emprunteur ait cessé et que lui-même ait un pressant besoin de la chose (articles 1888 et 1889 du code civil).
En l'absence de contrat écrit, ou si aucune date de restitution n'a été prévue, la convention étant donc à durée indéterminée (sans pouvoir être perpétuelle), la jurisprudence a d'abord retenu que le prêteur ne pouvait récupérer son bien que lorsque le besoin de l'emprunteur avait cessé ou s'il en avait lui-même un besoin pressant (notamment Civ, 1ère, 19 novembre 1996 n° 94-20446 ; Civ, 3ème, 4 mai 2000, n° 98-11783). Dans cette perspective, et comme dans le prêt à consommation (article 1900 du code civil), c'est le juge qui décidait de la durée du prêt et lui assignait un terme « raisonnable ». Cette jurisprudence, très défavorable au prêteur et peu fidèle à la lettre des articles 1888 et 1889 du code civil, a été abandonnée.
La règle est maintenant que lorsque aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, et lorsque aucun terme naturel n'est prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis « raisonnable » (Civ, 3ème, 17 novembre 2016, n° 15-22751 ; Civ, 3ème, 26 mai 2016, n° 14-28082 ; Civ, 1ère, 3 février 2004, n° 01-00004).
La durée effective de ce préavis dépendra de l'usage auquel aura été affectée la chose prêtée. S'il s'agit de l'habitation de l'emprunteur à titre principal, il sera prudent de la part du prêteur de respecter un délai de trois ou six mois, par référence aux délais de droit commun en matière de bail d'habitation, selon que le local est meublé ou non.
Le prêteur n'est pas tenu de donner des raisons et agit de manière discrétionnaire, sous la réserve du préavis (Civ, 3ème, 2 mai 2012, n° 11-18927).
Si l'emprunteur se maintient dans les lieux bien que le prêteur ait régulièrement réclamé la restitution de la chose, il sera tenu de payer une indemnité d'occupation. Si l'expulsion est ordonnée en justice, le commodat est soumis à la trêve hivernale, l'emprunteur n'étant pas entré dans les lieux sans droit ni titre.
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