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Bail d'habitation : le congé pour reprise



1.   L'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, tel que modifié par la loi ALUR du 24 mars 2014 et  celle du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, pose les règles substantielles du congé.


Le paragraphe I de cet article dispose que « lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant ». Le délai de préavis du congé délivré par le bailleur est de six mois avant l'échéance du bail en cours.

 

S'agissant d'un congé pour reprise, le texte législatif précise les règles suivantes :


À peine de nullité, le congé donné par le bailleur à l'échéance du bail doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise ;


Le bénéficiaire de la reprise ne peut être, limitativement, que le bailleur, son conjoint, le partenaire PACS, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Il s'en déduit qu'une bailleresse personne morale ne peut délivrer ce type de congé, à moins qu'il s'agisse d'une SCI dite familiale mais alors seulement au bénéfice de l'un de ses associés (Civ, 3ème, 17 janvier 2019, n° 17-26695 ; 19 janvier 2005, n° 03-15922). Une question prioritaire de constitutionnalité contestant cette jurisprudence relative aux SCI a été rejetée par arrêt du 24 octobre 2019 (n° 19-15766).

 

L'alinéa 2 du I de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 définit les règles applicables (issues de la loi du 6 août 2015 et applicables aux baux en cours) lorsque le bailleur est acquéreur du logement. Ces règles sont différentes selon que le congé est pour vendre ou pour reprise. S'agissant d'un congé pour reprise, les délais imposés à l'acquéreur sont abrégés. Si l'échéance du bail intervient moins de deux ans après l'acquisition, le congé pour reprise ne prend effet que deux ans après cette acquisition. En revanche, si l'échéance du bail en cours intervient plus de deux ans après l'acquisition, le congé pour reprise peut être délivré pour l'échéance du bail (en respectant le délai légal de préavis).

 

La protection, à certaines conditions d'âge et de ressources, de certain locataires ou de ceux qui ont à charge une personne remplissant ces conditions, introduite par la loi ALUR (paragraphe III de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989), est applicable en cas de congé pour reprise. L'absence d'une offre de relogement, si elle est obligatoire selon la loi, entraîne la nullité du congé (Civ, 3ème, 7 juillet 2016, n° 17-29148).

 

Quoique le texte ne le dise pas expressément, le bénéficiaire de la reprise a l’obligation d’habiter le logement à titre de résidence principale et non comme résidence secondaire (Civ, 3ème, 31 janvier 2001, n° 99-11956). Réciproquement, il va de soi que le preneur qui n'a pas fait du local loué son habitation principale, ne peut invoquer la protection du texte.

 

Si le locataire ne quitte pas les lieux à l'échéance du bail, le bailleur doit faire valider le congé par le juge en application de l'article L 411-1 du code des procédures civiles d'exécution. Le locataire peut lui contester le congé.

 

2.  La loi ALUR a renforcé les droits des locataires en cas de congé pour reprise. Avant cette loi, un tel congé était péremptoire. Le bailleur devait indiquer les noms et qualités du bénéficiaire de la reprise, mais il n’était pas tenu de justifier de la nécessité de cette reprise (Cass 3ème Civ 28 novembre 2006, n° 05-20.567). Le contrôle ne pouvait être exercé qu'a posteriori si le locataire évincé alléguait une fraude à la loi. Et la fraude ne se présumant pas, il appartenait à ce locataire évincé de l’établir. Le défaut d’occupation du logement par le bénéficiaire de la reprise et bien entendu sa relocation (pour un loyer supérieur...) à un tiers dans un délai plus ou moins bref, pouvaient caractériser un congé frauduleux.

 

Dorénavant, selon le texte, le bailleur doit justifier dans le congé du caractère réel et sérieux de la reprise.


L'article 15 ajoute que « en cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes ». On notera que l'encouragement donné au juge de procéder d'office à des vérifications dans un litige de nature civile est pour le moins inhabituel. Mais il est trop tôt pour mesurer les effets juridictionnels de cette faculté ouverte au juge.


Il peut arriver certes qu'un bailleur délivre un congé frauduleux, mais il peut arriver aussi qu'un bailleur qui délivre un congé pour reprise sincère ne puisse plus tard y donner une suite conforme car les circonstances ont changé ou pour toute autre raison objective. Le contrôle de la sincérité du congé s’exerce à la date de sa délivrance, non pas à celle du départ effectif du locataire.


Avant l'intervention de la loi ALUR, certaines décisions de cours d’appel, pour valider le congé malgré l’inoccupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise, ont exigé la démonstration d’une force majeure. La Cour de cassation ne les a jamais suivies sur cette voie et elle a retenu que le bailleur devait, pour justifier l’inoccupation  du logement, établir une cause légitime (Civ, 3ème, 19 avril 2000, n° 98-21124). La Cour de cassation s'est aussi parfois référée à une cause extérieure au bailleur (Civ, 3ème, 13 juillet 2005, n° 04-12577).


Globalement, la loi ALUR, en énonçant que seuls des éléments sérieux et légitimes peuvent justifier un congé pour reprise non suivi de l'occupation des locaux à titre de logement principal par le bénéficiaire de la reprise, est venue consacrer cette jurisprudence de la Cour de cassation.


En toute hypothèse, le juge doit examiner précisément la sincérité des motifs invoqués par le bailleur pour justifier la non occupation des locaux par le bénéficiaire de la reprise (par exemple Civ, 3ème,  21 février 2001, n° 9912261 ou Civ, 3ème, 5 janvier 2011, n° 09-67.861).


Preuve de la méfiance du législateur de 2014 à l'égard des bailleurs qui délivre un congé pour reprise (ou pour vendre), une sanction pénale a été créée pour sanctionner le bailleur qui délivre ce type de congé en le motivant frauduleusement. L'article 15 IV de la loi du 6 juillet dispose en effet, en des termes assez inhabituels pour un qualification pénale que « le fait pour un bailleur de délivrer un congé justifié frauduleusement par sa décision de reprendre ou de vendre le logement est puni d'une amende pénale dont le montant ne peut être supérieur à 6 000 €  pour une personne physique et à 30 000 € pour une personne morale. Le montant de l'amende est proportionné à la gravité des faits constatés. Le locataire est recevable dans sa constitution de partie civile et la demande de réparation de son préjudice".

Il n'est pas rapporté qu'à ce jour, une condamnation ait été prononcée de ce chef.

 

3.  Le congé pour reprise doit sous peine de nullité comporter certaines mentions :     

    

  1. Le fondement légal du congé, les nom, prénom et  adresse du bénéficiaire de la reprise, sa qualité et la nature du lien qui l'unit au bailleur ;

  2. Le bailleur doit encore justifier du caractère réel et sérieux de la reprise, c'est à dire des circonstances et nécessités qui l'ont conduit à prendre cette décision ;

  3. Il doit encore joindre au congé une notice d'information relative aux obligations du bailleur aux voie de recours et, le cas échéant, d'indemnisation ouvertes au locataire, dont la teneur est précisément définie par un arrêté du 13 décembre 2017.

 

Il va de soi que, dans cette démarche, l'intérêt du bailleur est non seulement d'être sincère mais aussi le plus clair et explicite que possible. Un tel congé doit être soigneusement préparé.


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