Les désordres affectant les éléments d'équipement d'un ouvrage de construction
- camille7694
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Les désordres affectant les éléments d'équipement d'un ouvrage de construction relèvent, selon les circonstances, soit de la garantie biennale de bon fonctionnement, soit de la garantie décennale, soit de la responsabilité contractuelle des constructeurs et fournisseurs.
Les principes applicables, constants, sont les suivants :
En premier lieu, aux termes de l'article 1792-2 du code civil, la garantie décennale couvre « les dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ».
Selon ce texte, un équipement est indissociable de l'ouvrage « lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peuvent s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ».
Toutefois, l'article 1792-7 du code civil pose une exception à cette première règle, en excluant du champ de cette garantie légale les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage. Ce texte de 2005 est venu consacrer une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Ces dommages affectant des dispositifs professionnel ou industriel relèvent alors de la responsabilité contractuelle de droit commun.
La distinction des éléments dissociables et indissociables a donné lieu à une importante jurisprudence. Par exemple, des canalisations fixées aux murs et non encastrées dans la maçonnerie sont des équipements dissociables (Civ, 3ème, 9 juillet 2013, n° 12-18.312).
En deuxième lieu, que les éléments d'équipement soient dissociables ou indissociables de l'ouvrage, qu'ils aient été installés dès l'origine de l'ouvrage ou plus tard sur existant, les désordres les affectant relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (Civ, 3ème, 14 septembre 2017, n° 16-17323, Publié, à propos de l'installation d'un insert installé sur existant ; Civ, 3ème, 15 juin 2017, n° 16-19.640, Publié, à propos d'une pompe à chaleur installée sur existant ; Civ, 3ème, 7 mars 2019, n° 18-11.741, Publié).
Cette jurisprudence a été critiquée comme réalisant une extension non justifiée du domaine de la responsabilité décennale. Pourtant, le principe découle très précisément du texte de l'alinéa 1 de l'article 1792 du code civil.
En troisième lieu, la Cour de cassation a rappelé récemment, ce que plusieurs cours d'appel, et la Cour de cassation elle-même, avaient semble-t-il perdu de vue, qu'un élément d'équipement est, par hypothèse, destiné à fonctionner (Civ, 3ème, 13 février 2020, n° 19-10.249, Publié : un enduit de façade n'est pas un élément d'équipement puisqu'il n'est pas destiné à fonctionner (mais avec la fonction étanchéité, il serait un ouvrage en soi) ; Civ, 3ème, 13 juillet 2022, n° 19-20.231, Publié : les désordres affectant un carrelage adjoint à l'existant, lequel n'est pas un élément destiné à fonctionner, ne relèvent pas, quelle que soit leur gravité, de la garantie décennale). Cette notion de fonctionnement est bien connue comme condition de la garantie légale de bon fonctionnement.
En quatrième lieu, lorsque les éléments d'équipement sont dissociables de l'ouvrage et que les désordres, quelle que soit leur gravité, n'affectent pas la destination de l'immeuble, ils relèvent :
Soit de la garantie biennale de bon fonctionnement s'ils ont été installés lors de la construction de l'ouvrage conformément aux prévisions de l'article 1792-3 du code civil. Les arrêts de cassation de décisions de cour d'appel qui se sont abstenues de rechercher si les désordres affectant un élément d'équipement dissociable de l'ouvrage ne rendent pas l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, sont nombreux (par exemple : Civ, 3ème, 12 juillet 2018, n° 17-19.371, ou encore : Civ, 3ème, 5 juillet 2011, n° 10-19.274 : un « liner », élément d'équipement, s'il n'assure pas l'étanchéité d'une piscine rend cet ouvrage impropre à sa destination et les désordres constatés relèvent donc de la décennale).
Soit, s'ils ont été adjoints ultérieurement à l'ouvrage, de la responsabilité contractuelle de droit commun (notamment : Civ, 3ème, 21 mars 2024, n° 22-18.694, Publié : si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs).
En cinquième lieu, certains éléments adjoints à la construction, qu'intuitivement on considérerait comme des éléments d'équipement, peuvent, en jurisprudence, être considérés comme des ouvrages autonomes, ce qui permet de mettre en œuvre la garantie décennale en échappant à la problématique légale des éléments d'équipement (par exemple, s'agissant de l'installation d'un système de climatisation par pompe à chaleur immergée au fond d'un puits en contact avec la nappe phréatique sur un ouvrage existant : Civ, 3ème, 24 septembre 2014, n° 13-19.615).
La qualification d'un élément d'équipement en ouvrage autonome permet parfois aussi de contourner l'exclusion du système des garanties légales, des éléments d'équipement professionnels, telle qu'édictée par l'article 1792-7 du code civil (pour un exemple : Civ, 3ème, 19 janvier 2017, n° 15-25.283, Publié).
Sur toutes ces notions, évidemment complexes, plus ou moins claires et précises lorsqu'elles sont confrontées à des réalités très diverses, la Cour de cassation exerce un contrôle étroit et le domaine de l'appréciation souveraine des cours d'appel est réduit.
Camille Terrier
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