Le paiement des charges de copropriété
- camille7694
- 13 août
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Avis de la Cour de cassation n° 15013 du 12 décembre 2024
Les difficultés croissantes de certaines copropriétés à faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes, ont conduit le législateur à intervenir pour faciliter et renforcer l'action du syndic pour le recouvrement auprès des copropriétaires des provisions correspondant au budget voté, ainsi que des cotisations au fonds de travaux de l'article 14-2-1 de la loi du 10 juillet 1965.
1. C'est ainsi que l'article 19-2 de la loi sur la copropriété des immeubles bâtis, tel que modifié par la loi SRU du 13 décembre 2000 et complété à plusieurs reprises depuis, a prévu une procédure simple et rapide pour le recouvrement des charges de copropriété.
Dans son dernier état, le texte de cet article 19-2 dispose que :
À défaut du versement par un copropriétaire d'une provision exigible en application de l'article 14-1 (c'est à dire correspondant au budget prévisionnel voté et payable généralement le premier jour de chaque trimestre et aux sommes dues au titre du fonds travaux),
Et après mise en demeure, notifiée par LRAR (comme prescrit par l'article 64 du décret du 17 mars 1964), demeurée infructueuse après un délai de 30 jours,
Les autres provisions non encore échues en application du même article 14-1 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes, ainsi que les appels provisionnels sur travaux, deviennent immédiatement exigibles,
Et le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond (définie par les articles 839 et 481-1 du code de procédure civile – laquelle s'est substituée en 2019 à l'ancienne procédure « en la forme des référés » qui dispense le demandeur de devoir prouver l'urgence de son action), condamne le copropriétaire défaillant.
L'utilité de ce dispositif est indéniable puisque, auparavant, le syndic pouvait agir comme en matière de référé pour le recouvrement des provisions de l'article 14-1, mais devait saisir le juge de droit commun pour toutes les autres sommes dues.
2. Dans l'affaire soumise pour avis à la Cour de cassation, un syndicat avait, sur le fondement de cet article 19-2, assigné un copropriétaire en paiement de charges. Ce dernier avait contesté la régularité de la procédure au motif que la mise en demeure notifiée ne distinguait pas, parmi les sommes dues, les provisions exigibles au titre de l'article 14-1 et les sommes dues au titre des charges impayées des exercices antérieurs.
Saisi d'un doute, le juge du tribunal judiciaire de Marseille a préféré consulter la 3ème chambre civile de la Cour de cassation selon la procédure prévue à l'article L441-1 du code de l'organisation judiciaire.
On relèvera que l'article 19-2 de la loi sur la copropriété n'a pas suscité une notable jurisprudence de la Cour de cassation. Tout juste a-t-il été énoncé que le juge devait vérifier, si cela lui était demandé, que le copropriétaire poursuivi n'avait pas payé les arriérés de charges dans les 30 jours de la mise en demeure (Civ, 3ème, 21 avril 2022, n° 20-20.866 ; Civ, 3ème, 9 mars 2022, n° 21-12.988). Cela résulte clairement de la loi même. En revanche, différents tribunaux judiciaires et cours d'appel, et en ordre dispersé, ont rendu des décisions généralement favorables aux débiteurs et rigoureuses à l'égard des syndicats. Il n'est pas douteux, en tout cas, qu'en pratique les syndicats ont couramment recours aux facilités ouvertes par l'article 19-2.
La question posée à la Cour de cassation par le juge de Marseille ne se rapportait qu'aux mentions devant figurer dans la mise en demeure, à défaut desquelles la saisine du juge serait irrecevable.
Le droit commun applicable à la mise en demeure découle de l'article 1344 du code civil, créé par l'ordonnance de 2016 portant réforme du droit des contrats, selon lequel « le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l'obligation ». En l'espèce, la question est de savoir à quelles conditions la mise en demeure de l'article 19-2 de la loi sur la copropriété caractérise une interpellation suffisante.
La Cour de cassation a aussi entendu répondre à une question que le juge de Marseille n'avait pas posée : quelle conséquence déduire d'un défaut d'interpellation suffisante ?
3. La Cour retient, dans son avis, que la mise en demeure visée à l'article 19-2, qui constitue le préalable nécessaire à l'introduction de l'instance, doit indiquer avec précision la nature et le montant des provisions réclamées au titre du budget prévisionnel de l'exercice en cours ou des dépenses pour travaux non comprises dans ce budget, à peine d'irrecevabilité de la demande présentée devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.
L'avis lui-même ne retrace pas les raisons de la Cour de cassation, mais il est facile de les deviner d'autant que le rapport du conseiller et l'avis de l'avocat général ont été publiés sur le site de la Cour de cassation.
Elle s'est référée implicitement à sa jurisprudence, classique en bail commercial, selon laquelle les mentions et indications figurant dans une sommation au locataire d'avoir à se conformer à ses obligations contractuelles « ne doivent pas être de nature à entraîner dans l'esprit du locataire, une confusion l'empêchant de prendre la mesure exacte de l'injonction faite » (notamment Civ, 3ème, 14 juin 2012, n° 17-18.873).
Il est certes jugé de manière constante par les cours et tribunaux qu'un commandement signifié pour une somme supérieure à celle effectivement due demeure valable à hauteur de cette dernière, mais il ne s'agit là que d'écarter les simples erreurs de calcul ou la non prise en compte par le créancier d'un paiement tardif et partiel. De telles erreurs n'ont pas pour effet de susciter la confusion du débiteur sur la nature et la mesure de l'injonction qui lui est faite. Ce dernier est généralement en mesure de déterminer la somme exacte qu'il doit régler.
Dans le cas présent, le mécanisme de l'article 19-2 de la loi sur la copropriété fait que le défaut de paiement d'une provision dans le délai de 30 jours de la mise en demeure a pour effet rendre immédiatement exigibles les autres provisions non encore échues, les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes. C'est un mécanisme singulier sur lequel l'attention du débiteur doit être clairement appelée.
Il paraît ainsi justifié et parfaitement conforme aux intentions du législateur que la mise en demeure délivrée par le syndicat distingue expressément dans la mise en demeure, les provisions dues au titre de l'article 14-1 et les autres charges et provisions qui deviendraient exigibles en cas de non-paiement des premières dans le délai de 30 jours.
Quant à la sanction de l'irrégularité de la mise en demeure, celle de l'irrecevabilité de l'instance engagée devant le président du tribunal judiciaire paraît davantage orthodoxe qu'un rejet au fond.
Camille Terrier




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