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Portée du quitus donné par le syndicat des copropriétaires au syndic

Arrêt de la Cour de cassation, Civ, 3ème, 29 février 2024, n° 22-24558 Publié




La Cour de cassation énonce par cet arrêt que le copropriétaire, qui vote en faveur d'une résolution de l'assemblée générale d'un syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s'il n'est pas recevable, l'ayant votée, à demander son annulation, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d'un préjudice personnel né de sa faute.

 

Dans cette affaire, le propriétaire d'un lot dans un immeuble qui, à la suite de graves désordres affectant sa structure, avait fait l'objet d'un arrêté de péril imminent, avait assigné le syndic en réparation de ses préjudices financiers et de jouissance. La cour d'appel avait fait droit, et le syndic, dans son pourvoi, se fondait notamment sur le quitus qui lui avait été donné par l'assemblée générale des copropriétaires. Son pourvoi est rejeté.

 

Cette décision a valeur de rappel, par la Cour de cassation, d'une jurisprudence généralement observée par les cours d'appel et, au demeurant, parfaitement logique.

 

Il convient de rappeler, en effet, que la responsabilité du syndic est contractuelle dans ses rapports avec le syndicat de copropriété qui est son mandant (ou son donneur d'ordre si est en cause le contrat de prestation de services prévu à l'article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965), et quasi-délictuelle à l'égard des copropriétaires, personnes physiques, avec lesquels le syndic n'a aucun lien de droit mais à qui il peut causer un préjudice personnel dans l'accomplissement de sa mission.

 

A cet égard, la jurisprudence est ancienne et constante (par exemple Civ, 3ème, 24 novembre 2021, n° 20-14003 : un appel de charges irrégulières constitue un préjudice actuel et certain et engage la responsabilité quasi-délictuelle du syndic à l'égard des copropriétaires pris individuellement ; ou encore : Civ, 3ème, 6 mars 1991, n° 89-18758 Publié).

 

Cette décision du 29 février 2024 est l'occasion de rappeler la nature et la portée du quitus donné au syndic en droit de la copropriété.

 

D'une manière générale, en application de l'article 1993 du code civil, tout mandataire a l'obligation de rendre compte de sa gestion à son mandant. Le quitus, notion familière en droit des sociétés et en droit fiscal, est l'acte par lequel le mandant reconnaît que son mandataire a rempli convenablement ses obligations et le dégage de toute responsabilité pour sa gestion.

 

Dans les relations entre le syndicat de copropriété et le syndic, il n'existe aucune obligation légale de débattre d'un quitus au bénéfice de ce dernier. Mais une résolution en ce sens est souvent mise à l'ordre du jour des assemblées générales, spécialement à l'occasion de l'approbation des comptes, quoique le quitus concerne tous les aspects de la gestion du syndic.

 

L'approbation des comptes n'implique pas le quitus. Les deux décisions ont un objet différent. Il résulte de l'approbation des comptes que l'assemblée générale en a constaté la régularité comptable et financières, rien de plus. La Cour de cassation juge que « l'approbation des comptes emporte seulement constatation de la régularité comptable et financière des comptes du syndicat » (Civ, 3ème, 14 mars 2019, n° 17-26190 Publié). De plus cette approbation des comptes ne constitue par une approbation des comptes   individuels des copropriétaires (article 45-1 du décret du 17 mars 1967).

 

L'approbation des comptes n'a donc pas pour conséquence une ratification par l'assemblée générale des diligences du syndic au cours de l'exercice écoulé. Il a été jugé que cette approbation des comptes ne pouvait avoir pour effet la ratification implicite de travaux réalisés par le syndic (Civ, 3ème,  17 janvier 2007, n° 05-17119, Publié).

 

La ratification expresse des actes accomplis par le syndic en sa qualité de mandataire ne peut découler que du quitus. Donné par l'assemblée générale en sus de l'approbation des comptes, et s'il est donné sans réserves, ce quitus a pour effet d'assurer au syndic que sa responsabilité contractuelle ne peut plus être engagée vis à vis de son mandant, le syndicat. Le quitus vaut pour l'ensemble de la gestion du syndic (comptes, contrats, travaux, litiges, recouvrement de créances ...). Le quitus n'a donc d'intérêt que pour le syndic. Cet intérêt peut être parfaitement légitime, notamment dans les copropriétés conflictuelles où de fortes dissensions peuvent rendre l'action du syndic difficile.

 

Il n'existe donc aucune contradiction de principe à approuver les comptes d'abord et refuser le quitus ensuite. Ce refus exprès du quitus peut être une marque de défiance et anticiper la désignation d'un autre syndic.

 

Il a été jugé que, chaque résolution proposée au vote de l'assemblée générale ne pouvant, par principe, avoir qu'un seul objet, l'assemblée ne peut, par un seul et même vote, approuver les comptes et donner (ou refuser) quitus au syndic pour sa gestion (Civ, 3ème, 14 janvier 2009, n° 08-10624, Publié ; Civ, 3ème, 6 juillet 1994, n° 89-16212, Publié). Il va de soi qu'à défaut de l'inscription de la question du quitus à l'ordre du jour de l'assemblée générale, celle-ci ne saurait valablement en discuter (Civ, 3ème, 12 mai 1981, n° 79-16909 Publié).

 

Le vote sur le quitus, qui intervient généralement après l'approbation des comptes, est adopté à la même majorité de l'article 24 (la majorité des copropriétaires présents ou représentés).

 

Si le quitus a été accordé sans réserve, et dès lors que la résolution n'a pas été contestée dans le délai de deux mois de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat ne peut rechercher la responsabilité du syndic en sa qualité de mandataire. Tous les actes passés du syndic se trouvent ratifiés, quand bien même le syndic aurait, au cours de l'exercice écoulé, agi hors de sa compétence et excédé ses pouvoirs.

 

Mais les actes de gestion ainsi ratifiés par le quitus ne sont que ceux dont l'assemblée générale a connaissance au moment de son vote (Civ, 3ème, 23 juin 1999, n° 97-17085). Le quitus est sans effet s'agissant d'actes que le syndic aurait dissimulés au syndicat.

 

En revanche, et c'est ce que vient rappeler l'arrêt du 29 février 2024 commenté, le quitus est inopérant à l'égard de chacun des copropriétaires et ne peut leur interdire d'engager la responsabilité extra-contractuelle du syndic, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, s'ils sont en mesure de prouver une faute en lien de causalité directe avec un préjudice personnel.

 

La Cour n'avait eu l'occasion que de valider a contrario cette règle en approuvant une cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable une action engagée par un copropriétaire contre le syndic, au motif que les demandes de condamnation portaient sur ses actes d'administration et de gestion de la copropriété, alors que l'assemblée générale avait donné quitus à ce syndic pour toute la période de son mandat (Civ, 3ème, 18 décembre 1996, n° 94-21139).


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