L'installation d'un dispositif de vidéo-surveillance dans une copropriété
- camille7694
- 12 juin
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Les copropriétés sont de plus en plus nombreuses à s'équiper de dispositifs de vidéo-surveillance pour mieux lutter contre les intrusions, les vols et les dégradations. Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, les pouvoirs publics, longtemps réticents, favorisent ces équipements.
Néanmoins, la matière est strictement encadrée par les textes, et les juridictions éventuellement saisies sont attentives aux conditions de leur application.
Le cadre législatif et réglementaire
1. Le cadre législatif et réglementaire pour l'installation de caméras de vidéo-surveillance dans une copropriété, est particulièrement développé et vise à assurer le respect de la vie privée. Les sources sont nombreuses, européennes et nationales, constitutionnelles, législatives, jurisprudentielles et réglementaires, civiles, administratives et pénales. Elles traitent, de manière parfois tatillonne, les caractères des dispositifs de surveillance, les principes de leur fonctionnement et leurs limites, les règles relatives au traitement des données recueillies et les responsabilités encourues, civiles et pénales.
Le règlement général de protection des données (RGPD) de 2018 est la source européenne essentielle pour les droits et obligations attachés à un dispositif de vidéo-surveillance. Tel qu'interprété par la Cour de Justice européenne (en particulier : CJUE, 11 décembre 2019, n° C-708/18), il prescrit notamment cette règle générale, devenue un peu rhétorique, que toute installation de vidéosurveillance doit respecter le principe de proportionnalité, c'est à dire qu'elle doit être le moyen le plus efficace de garantir la sécurité des biens et des personnes, et assorties en même temps de garanties pour que son impact sur la vie privée des personnes soit aussi réduit qu'il est possible.
En droit national, les dispositifs de vidéo-surveillance sont aussi soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978, Informatique et Libertés. Ils sont, en effet, considérés par la loi comme des traitements de données à caractère personnel.
Le respect de la vie privée, auquel peuvent porter atteinte les dispositifs de vidéo-surveillance, est un droit fondamental garanti par la Constitution et rattaché par la jurisprudence du Conseil constitutionnel à la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Il inclut différentes garanties, telles la protection du domicile et de l'intimité, du droit à l'image, du secret médical et des données personnelles.
L'article 9 du code civil pose, dans son premier alinéa, le principe du droit de chacun au respect de sa vie privée et énonce, dans son second alinéa, les prérogatives conférées aux juges pour empêcher ou faire cesser, si nécessaire en référé, toute atteinte à l'intimité de la vie privée.
Le code pénal comprend différentes dispositions sanctionnant notamment l'atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui (article 226-1), la conservation et la diffusion d'un enregistrement obtenu irrégulièrement (article 226-2). Les manquements aux obligations informatives des personnes concernées par un dispositif de vidéo-surveillance sont sanctionnés de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (article R625-10 du code pénal).
La décision de l'assemblée générale des copropriétaires
2. La décision de mettre en place un système de vidéo-surveillance au sein d'une copropriété relève de la majorité simple de l'article 24, II, de la loi du 10 juillet 1965, au titre des « travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble ainsi qu'à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants... ».
Toutefois, pour que des images de vidéo-surveillance prises dans les parties communes d'un immeuble d'habitation puissent être transmises aux forces de l'ordre, gendarmerie, police nationale ou police municipale, l'assemblée des copropriétaires doit, aux termes des articles 25, m, de la loi du 10 juillet 1965 et L.272-2 du code de la sécurité intérieure (CSI), être appelée à se prononcer à la majorité absolue des copropriétaires présents, représentés ou absents. Les dispositions de l'article 25-1 relatives à un second vote à la majorité de l'article 24 lorsque le projet de décision a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, sont applicables.
Selon l'article 18, I, de la loi du 10 juillet 1965, le syndic a pour mission « d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ». Selon une jurisprudence constante, cette prérogative conférée au syndic s'étend aux travaux nécessaires pour garantir la sécurité des personnes. En outre, cette intervention en urgence, avant que l'assemblée puisse être appelée à se prononcer, est une obligation et le syndic qui s'abstiendrait engagerait sa responsabilité.
Donc, dans ce cadre et selon les circonstances de fait, par exemple devant une multiplication inquiétante des vols et cambriolages dans l'immeuble, le syndic peut prendre l'initiative d'installer une vidéo-surveillance. Bien entendu, il doit en informer les copropriétaires et convoquer dans les meilleurs délais une assemblée générale, comme le prescrit l'article 37 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967.
Le dispositif de vidéo-surveillance ne filmant que des parties privatives
3. L'installation d'un dispositif de vidéo-surveillance ne filmant que des parties privatives, et non pas les parties communes ou la voie publique, n'exige ni autorisation de la copropriété, à moins que les travaux à réaliser n'affectent les parties communes, ni information des autorités publiques. Cette installation implique cependant le respect de certaines prescriptions.
Ainsi, les visiteurs, c'est à dire toute personne extérieure au cercle de famille étroitement entendu, notamment les personnes invitées, celles qui interviennent dans les parties privatives à titre professionnel (personnels dit de maison, artisans etc.), ou, par exemple, les patients d'un cabinet médical, doivent être informés de l'existence du dispositif de vidéo-surveillance et des objectifs poursuivis par ce dispositif.
Cette obligation d'information est satisfaite si un affichage explicite peut être consulté avant l'entrée dans la zone surveillée.
Un salarié, travaillant au domicile d'une personne comme en entreprise, ne peut pas être filmé en permanence. La surveillance de ses activités ou comportements ne peut pas être l'objectif du dispositif, selon une jurisprudence constante (par exemple : Cass Soc, 23 juin 2021, n° 19-13856, Publié).
Si le dispositif de vidéo-surveillance installé par le copropriétaire qui enregistre aussi des parties communes (même à la périphérie), il doit être autorisé en assemblée générale.
4. Le copropriétaire qui, sans l'autorisation de l'assemblée générale, installerait sur ou dans ses parties privatives un dispositif pouvant enregistrer, même à sa périphérie, les personnes évoluant dans les parties communes ou dans une copropriété voisine, porterait atteinte au libre exercice des droits de chacun des copropriétaires sur les parties communes. Cette atteinte caractérisait un trouble manifestement illicite et le juge des référés aurait le pouvoir d'ordonner la dépose du dispositif (Civ, 3ème, 10 avril 2025, n° 23-19702, Publié).
La Cour de cassation avait eu l'occasion d'exprimer la même règle à l'occasion d'un conflit survenu en Corse dans le cadre d'une copropriété horizontale composée de maisons individuelles. A la suite de dégradations, un copropriétaire avait installé sur ses parties privatives un dispositif de vidéo-surveillance à déclenchement automatique qui pouvait enregistrer non seulement ses parties privatives mais aussi les usagers d'un chemin extérieur, partie commune. C'est le syndicat des copropriétaires qui avait engagé l'action devant le juge des référés, lequel avait ordonné la dépose de la caméra.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du propriétaire en relevant que le dispositif de vidéo-surveillance avait été installé sans l'accord des copropriétaires et qu'il portait atteinte au libre exercice de leurs droits sur les parties communes. Le juge des référés était donc compétent pour faire cesser ce trouble manifestement illicite (Civ, 3ème, 11 mai 2011, n° 10-16.967, Publié).
On notera incidemment que si les personnes morales disposent, notamment, d'un droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances et de leur réputation, seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d'une atteinte à la vie privée au sens de l'article 9 du code civil. Une personne morale ne peut donc invoquer l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant d'une telle atteinte (Civ, 1ère, 17 mars 2016, n° 15-14.072, Publié). L'action judiciaire pour atteinte à la vie privée doit donc être engagée par les copropriétaires, personnes physiques.
Le dispositif de vidéo-surveillance des parties communes
5. Depuis l'entrée en vigueur du RGPD, l'installation d'un dispositif de vidéo-surveillance dans une copropriété ou les parties d'une copropriété non ouvertes au public, n'implique aucune formalité administrative.
Toutefois, si le dispositif de surveillance des parties communes filme aussi la voie publique, ou des espaces accessibles au public dans les parties communes, par exemple en l'absence d'un digicode ou d'un interphone à l'entrée de l'immeuble, une autorisation préfectorale doit être demandée (à Paris, le préfet de police).
En principe, les portes d'accès aux parties privatives ne peuvent être visées par la vidéo-surveillance. Mais en pratique, il est souvent difficile d'éviter qu'elles soient, ou certaines d'entre elles, dans le champ de la caméra. La décision de l'assemblée générale doit alors comprendre aussi l'accord des copropriétaires sur ce point.
6. Que la copropriété soit ou non accessible au public, trois types de précautions légales ou réglementaires sont impératives :
1) Le syndic ou le gestionnaire de l'immeuble doit tenir un registre des activités de traitement de données à caractère personnel. En pratique, il s'agit seulement de récapituler dans un document les caractéristiques du dispositif de vidéo-surveillance mis en place.
2) Un affichage explicite doit informer les personnes de ce qu'elles sont filmées dans les parties communes de l'immeuble.
3) En outre, conformément aux dispositions de l'article 4, 5°, de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, la durée de conservation des images enregistrées doit être limitée à une durée adaptée à l'objectif poursuivi, c'est à dire la sécurité des personnes et des biens. Ce délai ne doit pas excéder un mois.
L'accès aux images enregistrées
7. Il n'est pas impossible de confier au gardien de la copropriété le suivi en temps réel des images qu'enregistre le dispositif de vidéo-surveillance.
S'agissant de l'accès en différé à ces images, pour revenir sur un incident par exemple, le principe est qu'il ne peut être permis qu'aux personnes habilitées. Dans le cadre d’une copropriété, il est naturel que le syndic soit cette personne habilitée, mais il peut n'être pas le seul. Le président et les membres du conseil syndical peuvent lui être adjoint, ainsi que le gardien. La décision revient à l'assemblée générale qui doit faire prévaloir les principes de nécessité et de proportionnalité. La ou les personnes habilitées commettraient une faute si elles subdéléguaient ce droit d'accès à une personne que l'assemblée générale n'a pas investie de sa confiance.
La consultation de ces images ne peut intervenir, selon la CNIL, qu'en cas d'incident et pour en éclairer les circonstances. La finalité du dispositif ne doit pas être détournée, par exemple à des fins de surveillance des habitants ou usagers de l'immeuble.
Toute personne intéressée peut exercer un droit d'accès aux enregistrements qui la concernent, c'est à dire où elle apparaît (article 49 de la loi Informatique et Libertés).
La transmission des images aux forces de l'ordre
8. L'article L.272-2 du CSI règle les conditions dans lesquelles les images de vidéo-surveillance enregistrées dans le cadre d'une copropriété sont transmises aux forces de l'ordre, polices nationales et municipales et gendarmerie nationale, soit en temps réel, soit en différé.
Le seul objectif énoncé par la loi est la protection des parties communes d'un immeuble collectif d'habitation « en cas d'occupation empêchant l'accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ».
La loi précise que ces images ne peuvent concerner ni l'entrée des habitations privées, ni la voie publique.
Cette transmission des images implique une décision prise par les copropriétaires à la majorité des l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, c'est-à-dire à la majorité de tous les copropriétaires. Compte tenu des précautions prises par la loi quant à l'objet de cette transmission et ses conditions, on peut s'étonner que la majorité soit qualifiée pour cette transmission, alors qu'elle est simple pour la décision d'installer le dispositif de vidéo-surveillance.
Cela dit, le syndic peut mettre en œuvre ses pouvoirs d'urgence et régulariser par la suite. Le texte prévoit aussi qu'à la suite d'une alerte déclenchée par le gestionnaire de l'immeuble et en cas d'urgence, la transmission des images peut être décidée par les forces de l'ordre elles-mêmes.
La transmission des images aux forces de l'ordre peut aussi intervenir en temps réel, si les circonstances l'exigent, dit le texte de l'article L 272-2 du CSI, et pour une durée strictement limitée au temps nécessaire à l'intervention.
Enfin la loi prévoit que le préfet et le gestionnaire de l'immeuble organisent par convention les conditions et modalités de ce transfert éventuel d'images. Cette convention, régie par l'article R. 272-2 du CSI, prévoit aussi une information par affichage sur place de l'existence du système de vidéo-surveillance et de la possibilité de la transmission des images aux forces de l'ordre.
Imputation des charges
9. Les charges d'installation et de fonctionnement d'un dispositif de vidéo-surveillance ne sont pas des charges générales relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes (auxquelles les copropriétaires sont tenus de contribuer proportionnellement aux valeurs relatives de leurs parties privatives), mais des charges spéciales qui relèvent de l'article 10, premier alinéa, de la loi du 10 juillet 1965. Il s'agit d'un service collectif ou d'un élément d'équipement commun auquel les copropriétaires sont tenus de participer, selon la loi, en fonction de l'utilité objective qu'il présente pour chaque lot.
L'usage effectif de cet élément d'équipement par le copropriétaire est en principe indifférent (Civ, 3ème, 21 novembre 2000, n° 99-14.125).
D'une manière générale, il est retenu que les installations de sécurité, telles la protection contre l'incendie, les limitations d'accès à l'immeuble ou les dispositifs de vidéo-surveillance, bénéficient à tous les propriétaires de lot et sont donc à la charge de tous les copropriétaires.
Toutefois, le règlement de copropriété peut en disposer autrement, selon les circonstances, et, comme pour les charges d'ascenseur, désigner les lots qui, en raison de leur configuration et/ou de leur destination (commerce, habitation), bénéficient davantage que les autres de l'installation d'une vidéo-surveillance et doivent être assujettis à une quote-part de charge plus élevée. Dans ce cas, les clauses de ce règlement devront recevoir application.
On peut penser qu'un dispositif qui ne concernerait qu'une partie seulement de la copropriété, n'aurait pour les propriétaires des lots non surveillés, aucune utilité objective. Mais la pratique est souvent différente. Ainsi, il est généralement admis que la surveillance des accès aux parkings bénéficie objectivement à l'ensemble des copropriétaires, propriétaires ou non des lots de parkings.
Camille TERRIER
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