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Le droit de surélever et de construire en copropriété

Dernière mise à jour : 4 nov. 2023


construire ou surélever en copropriété

On sait que le législateur a entendu favoriser la surélévation des immeubles existants et la création de logements, et contenir l'expansion géographique des agglomérations en limitant les obstacles réglementaires à la densification. En particulier, la loi ALUR du 24 mars 2014 a supprimé l'obligation de respecter un coefficient d'occupation des sols (COS) dans les communes couvertes par un PLU.


À Paris, 12% des immeubles pourraient être surélevés pour la construction de 40.000 nouveaux logements. Dans cette perspective, les règles du droit de la copropriété relatives à la surélévation des immeubles ont été assouplies.


Au regard du droit de la copropriété, une surélévation d'immeuble est définie en jurisprudence comme l'exhaussement de la panne faîtière centrale (Civ, 3ème, 16 novembre 1982, n° 81-12087 Publié) et la création de nouvelles surfaces d'habitation ou d'activité. Des travaux de redressement des combles ne caractérisent pas une surélévation de l'immeuble au sens du droit de la copropriété. Si les travaux ne modifient pas la hauteur maximale du faîtage mais portent la toiture à cette hauteur maximale sur toute la longueur du bâtiment et permettent la création de pièces mansardées, il s'agit d'une surélévation partielle à laquelle s'appliquent en principe les règles spécifiques du droit de la copropriété relatives à la surélévation (Civ, 3ème, 6 mars 1991, n° 89-18758 Publié).

Le droit de construire et de surélever dans le cadre d'une copropriété est soit un droit accessoire aux parties communes, soit un droit accessoire à une partie privative.

1. Le droit accessoire


L'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 énonce notamment qu'est réputé droit accessoire aux parties communes, dans le silence ou la contradiction des titres, le droit de surélever un bâtiment affecté à l'usage commun ou comportant plusieurs locaux qui constituent des parties privatives différentes, ou d'en affouiller le sol.


La surélévation d'un immeuble, si elle est techniquement possible et conforme aux prescriptions d'urbanisme applicables, peut être valorisée par le syndicat, par la cession des locaux créés, ou par la vente du droit de construire soit à un copropriétaire soit à un tiers.


L'article 35 de la loi sur la copropriété, tel que modifié par la loi ALUR du 24 mars 2014, précise la procédure applicable si les copropriétaires entendent mettre en œuvre le droit accessoire aux parties communes de surélever ou de construire, ou l'aliéner soit à l'un des copropriétaires soit à un tiers :


La surélévation ou la construction des bâtiment par le syndicat nécessite une décision prise à la majorité de l'article 26 (majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix) ; avant la loi ALUR, l'unanimité des copropriétaires était requise ; la clause du règlement de copropriété prévoyant l'unanimité, est donc depuis réputée non écrite ;

L'aliénation du droit de surélever et de construire à un tiers implique une décision à cette même majorité de l'article 26 ; en outre, si la copropriété comprend plusieurs bâtiments, une assemblée spéciale des copropriétaires des lots composant le bâtiments à surélever doit aussi en décider à cette même majorité de l'article 26 ;

Cependant, si le bâtiment concerné est compris dans un périmètre où s'exerce le droit de préemption urbain (article L211-1 du code de l'urbanisme), les décisions ci-dessus sont prises à la seule majorité de l'article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires) ;

Le texte prévoit enfin que les copropriétaires de locaux situés sous la surélévation projetée doivent bénéficier d'un droit de priorité si le syndicat entend céder son droit de surélévation ou en cas de cession des locaux privatifs créés.

Aux termes de l'article 37, le titulaire du droit de surélever cédé par le syndicat de copropriété doit l'exercer dans les 18 mois de la convention, faute de quoi le droit devient caduc.


Si un syndicat de copropriétaires secondaires détient seul le droit de surélever les parties communes spéciales, il peut devoir néanmoins requérir l'autorisation du syndicat principal si l'ouvrage projeté modifie l'aspect extérieur de l'ensemble immobilier (Civ, 3ème, 21 janvier 2014, n° 12-26657).

2. Exception à la règle


Toutefois, l'article 3 pose deux séries d'exceptions à la règle selon laquelle le droit de surélever et de construire est réputé droit accessoire aux parties communes.

En premier lieu, la règle ne vaut que dans le silence et la contradiction des titres. Le règlement de copropriété peut en disposer autrement et créer un droit de surélever comme droit accessoire à un lot privatif.


Ainsi, le droit de surélever un immeuble en copropriété à usage de stationnement dont le règlement de copropriété énonce que le toit constitue un lot privatif, est un droit accessoire à ce lot privatif (Civ, 3ème, 18 octobre 2018, n° 17-23019).


Ainsi encore, il se déduit de ce que le règlement de copropriété définit un lot privatif comme étant composé outre d'un bâtiment, d'une certaine surface et du droit d'y construire avec affectation d'une quote-part des parties communes, que le droit d'utiliser cette surface constitue la partie privative d'un lot et non un droit accessoire à des parties communes (Civ, 3ème ; 17 décembre 2013, n° 12-23636).


La solution d'un litige peut conduire le juge à devoir interpréter souverainement les clauses du règlement de copropriété.


On peut citer, par exemple, un arrêt Civ, 3ème, 13 décembre 2018, n° 17-23008 inédit, dans un affaire où un syndicat des copropriétaires avait assigné un propriétaire de lot en cessation de travaux exécutés sans autorisation de l'assemblée générale : « qu'ayant souverainement retenu que le terrain, correspondant à l'emprise du lot n° 11, était une partie privative, de sorte que les constructions, qui y avaient été édifiées, devaient également être regardées comme des parties privatives par voie d'accession, seul le gros œuvre des autres lots dont le sol était l'objet d'une propriété indivise étant des parties communes, et que l'état descriptif de division, intégré à l'article 5 du règlement de copropriété, qui décrivait la consistance de ce lot, avait valeur contractuelle puisque les dispositions qu'il contenait relativement aux droits, attachés à ce lot, de transformer la petite construction adossée à l'immeuble en un appartement et d'édifier une nouvelle construction ou d'agrandir celle existante, auxquelles l'article 4 du règlement renvoyait, concernaient la définition des parties privatives, ce dont il résultait que cette clause conférait au titulaire du lot un droit à construire dont l'exercice n'était pas soumis à une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires en vertu de l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que la clause litigieuse ne devait pas être réputée non écrite, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

3. Droit accessoire aux parties communes


En second lieu, la règle selon laquelle le droit de surélever et de construire est réputé droit accessoire aux parties communes ne vaut que si le bâtiment concerné est affecté à l'usage commun ou comporte plusieurs locaux qui constituent des parties privatives différentes.


Si le bâtiment concerné par l'opération caractérise un lot unique et n'appartient qu'à un seul copropriétaire, le droit de le surélever et de construire est un droit accessoire à la partie privative de ce lot. Ainsi, le détenteur de ce lot qui veut mettre en œuvre le droit de surélever, n'est pas tenu d'obtenir l'autorisation du syndicat dans les conditions prévues par les article 35 et suivants de la loi du 10 juillet 1965.


Pour autant, ce copropriétaire ne peut agir librement. Si de tels travaux répondent à la définition de l'article 25 b, c'est à dire s'ils affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et pourvu qu'ils soient conformes à la destination de l'immeuble, le détenteur du droit de surélever et de construire devra demander l'autorisation de l'article 25 (décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires). Le mécanisme dit de la « passerelle » est mis en œuvre si la motion rejetée a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires : un second vote intervient à la majorité simple (article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965).


Des travaux affectent les parties communes, au sens et pour l'application de l'article 25 b, lorsqu'ils les modifient dans leur consistance matérielle ou dans les modalités d'usage telles que prévues par le règlement de copropriété (notamment Civ, 3ème, 4 décembre 2007, n° 06-19931). Seuls des atteintes légères et superficielles aux parties communes n'affectent pas (au sens de la loi) ces parties communes (Civ, 3ème, 19 novembre 1997, n° 95-20079).


Par ailleurs, il est évidemment difficile d'imaginer que des travaux de surélévation d'un bâtiment privatif ne modifient pas au moins l'aspect extérieur de la copropriété.

Si ces travaux visent aussi à affouiller le sol, pour reprendre les fondations de l'immeuble, créer un sous-sol, y placer des réseaux etc, alors que le sol est partie commune selon le règlement de copropriété (le sol est réputé partie commune dans le silence ou la contradiction des titres, article 3 de la loi du 10 juillet 1965), ils caractérisent une appropriation d'une partie commune et doivent donc être approuvés à la majorité de l'article 26 (et le cas échéant, selon les modalités de l'article 26-1).


Ainsi, un arrêt Civ, 3ème, 16 mars 2017, n° 15-28787, retient que « si le règlement de copropriété prévoyait que les copropriétaires des hangars sur cour avaient la propriété des constructions, le sol des parties construites y était décrit comme une partie commune » et qu'en conséquence « les travaux envisagés relevaient de la majorité de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 et ne pouvaient donc être autorisés judiciairement sur le fondement de l'article 30, alinéa 4, dans la mesure où ils impliquaient une appropriation du sol d'assiette du hangar, partie commune, le sol devant nécessairement, même sans création de sous-sol ou de fondations, être modifié pour recevoir une maison de trois étages et ses réseaux en lieu et place d'un hangar ».

L'appréciation des juges du fond quant à la portée et les conséquences des travaux projetés est souveraine. Dans un arrêt du14 juin 2018 (n° 17-18613 Inédit), la Cour de cassation écrit « qu'ayant souverainement relevé que l'emprise de l'escalier de secours sur la voie commune de circulation était de faible importance, ne présentait aucune fondation, ne prenait appui sur le sol qu'au moyen de deux poteaux et était constitué d'une structure métallique facilement démontable et constaté que les autres copropriétaires n'étaient pas privés de l'usage de la partie commune dont la destination essentielle subsistait, la cour d'appel (...) a exactement retenu que l'autorisation pouvait être accordée à la majorité prévue à l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 ».

Enfin, si les travaux projetés portent atteinte à la destination de l'immeuble telle que déterminée par le règlement de copropriété et/ou aux modalités de jouissance de leurs parties privatives par les autres copropriétaires, la décision nécessaire ne peut être prise qu'à l'unanimité des copropriétaires (par exemple : Civ, 3ème, 26 mai 2016, n° 15-12556 ; Civ, 3ème, 9 mai 2007, n° 06-14106).


Un trouble de jouissance causé par des travaux autorisés à la majorité de l'article 25 peut, quand bien même il n'excéderait pas les inconvénients normaux du voisinage, caractériser une modification aux modalités de jouissance d'un lot privatif. Les travaux relèvent alors d'une décision prise à l'unanimité (Civ, 3ème, 4 juin 1998, n° 96-20608).

4. Décision à la majorité


On sait qu'en application de l'article 30, dernier alinéa, de la loi sur la copropriété, le juge peut autoriser aux conditions qu'il fixe les travaux de l'article 25 b (affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble et conformes à la destination de celui-ci) que l'assemblée générale aura refusés. Mais tel n'est pas le cas des travaux de surélévation qui impliquent une décision prise à la majorité de l'article 26.


Le refus opposé par l'assemblée générale à une demande de surélévation ou de construction fondée sur l'article 35 peut être contesté devant le juge, pour vice de la procédure de convocation et de vote, ou abus de majorité. Mais une éventuelle annulation de la résolution ne vaut pas autorisation de réaliser les travaux (Civ, 3ème, 11 mars 2014, n° 13-10341). Un nouveau vote de l'assemblée générale pourra, le cas échéant, intervenir.

5. régime de responsabilité spécifique


Si l'opération de construction relève de l'exercice par le syndicat de son droit accessoire aux parties communes de surélever ou de la cession à un tiers de ce droit, un régime de responsabilité spécifique est prévu par l'article 36 de la loi sur la copropriété.


Le préjudice subi par un copropriétaire et répondant à la définition de l'article 9 de la même loi (diminution définitive de la valeur du lot, trouble de jouissance grave, même s'il est temporaire, ou dégradations) doit être indemnisé. Cette indemnité est à la charge de l'ensemble des copropriétaires, et répartie selon la proportion initiale des droits de chacun dans les parties communes.


Si ces travaux de surélévation ne relèvent pas du régime juridique de l'article 35, les préjudices qu'ils peuvent occasionner aux autres copropriétaires (et bien entendu aux tiers à la copropriété) sont indemnisés par le maître de l'ouvrage et/ou l'entreprise de construction selon les voies de droit commun de la responsabilité pour faute ou de la responsabilité de plein droit des troubles anormaux de voisinage (Civ, 3ème, 26 mai 2016, n° 14-24686 ; 21 mai 2008, n° 07-13769 ; 22 juin 2005, n° 03-20068 et n° 03-20991).


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