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L'action oblique contre un locataire qui méconnaît les prescriptions du règlement de copropriété



Le locataire d'un local d'habitation, professionnel ou commercial dans un immeuble en copropriété est tenu de respecter les prescriptions du bail en même temps que celles du règlement de copropriété.

Si ce locataire est à l'origine de désordres ou nuisances dans l'immeuble, contraires aux prescriptions de ce règlement de copropriété, il appartient d'abord au propriétaire du lot et bailleur de prendre toutes les initiatives utiles auprès de son locataire pour faire cesser les troubles (article 3 de la loi du 6 juillet 1989, article 1729 du code civil). En effet, en application de l'article 9, alinéa 1, de la loi du 10 juillet 1965 « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ».

Si le propriétaire s'abstient d'intervenir auprès de son locataire, il peut être mis en demeure par le syndic (par LRAR). En l'absence de résultat, le syndic, dûment mandaté par l'assemblée générale en application de l'article 55 du décret du 1967, peut assigner le copropriétaire bailleur en réparation des dommages subis par la copropriété, quitte à ce que ce dernier se retourne ensuite contre son locataire.

Mais il est aussi possible au syndicat des copropriétaires d'exercer l'action oblique pour obtenir du juge qu'il prononce, en conséquence des troubles causés, la résiliation du bail et l'expulsion du locataire. Si le comportement de ce locataire revêt un caractère de gravité manifeste, il s'agit sans doute de la voie la plus efficiente et rapide pour le syndicat de copropriété.

L'action oblique permet en effet à un créancier d'exercer les droits et actions de son débiteur si celui-ci s'en abstient ou néglige ses intérêts au point de compromettre ses droits (article 1341-1 du code civil). Il est admis que, dans le cadre d'une copropriété, chaque copropriétaire est en même temps débiteur et créancier du respect du règlement de copropriété, lequel a la nature d'un contrat.

La possibilité d'exercer l'action oblique a d'abord été reconnue au syndicat des copropriétaires. Dans un arrêt du 14 novembre 1985 (n° 8715577 Publié), la Cour de cassation a posé le principe qu'en l'état d'un règlement de copropriété déclarant chaque copropriétaire responsable des agissements répréhensibles de ses locataires, le syndicat des copropriétaires a, en cas de carence du copropriétaire bailleur, le droit d'exercer l'action en résiliation du bail dès lors que le locataire contrevient aux obligations découlant de celui-ci et que ses agissements qui causent un préjudice aux autres copropriétaires sont en outre contraires au règlement de copropriété.

Rapidement, ce droit d'exercer l'action oblique contre un locataire a été étendu à chacun des copropriétaires pris individuellement (Civ, 3ème, 3 janvier 1991, n° 89-10959 Publié : Justifie légalement sa décision l'arrêt qui déclare recevable l'action d'un copropriétaire fondée sur une violation des stipulations du règlement de copropriété et dirigée contre le locataire d'un copropriétaire qui n'a pas été mis en cause).

Il s'agit là d'une déclinaison du principe posé par l'article 15, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, selon lequel tout copropriétaire peut exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d'en informer le syndic (Civ, 3ème, 22 mars 2000 n° 98-13345 Publié : « Le règlement de copropriété ayant la nature d'un contrat, chaque copropriétaire a le droit d'en exiger le respect par les autres et l'action individuelle d'un copropriétaire en cessation d'utilisation irrégulière de locaux privatifs est recevable sans que le copropriétaire soit astreint à démontrer qu'il subit un préjudice personnel et spécial distinct de celui dont souffre la collectivité des membres du syndicat ».

Le droit de chaque copropriétaire d'exercer l'action oblique a été rappelé récemment par la Cour de cassation (Civ, 3ème, 8 avr. 2021, n° 20-18327 Publié : tout copropriétaire peut, par la voie de l'action oblique, exercer les droits et actions du copropriétaire-bailleur pour obtenir la résiliation d'un bail lorsque le preneur méconnaît les stipulations du règlement de copropriété contenues dans celui-ci).

L'exercice de l'action oblique dans ce cadre implique deux séries de conditions :

- de la part du locataire, un manquement établi aux prescriptions du règlement de copropriété et à celles du bail (qui oblige le locataire d'un lot en copropriété à respecter les stipulations de ce règlement de copropriété) ;

- l'inertie avérée du débiteur (le copropriétaire bailleur), de nature à compromettre les droits du créancier, les autres membres de la copropriété, de voir respectées les prescriptions du règlement de copropriété (Cass, 12 juillet 2018, n° 17-20680).

À titre d'illustrations, on citera deux affaires où l'action oblique a été exercée valablement :

Civ, 3ème, 19 novembre 2015, n° 14-18752, inédit : dans cette affaire, la société commerciale locataire d'un lot en copropriété exerçait une activité de restauration rapide non autorisée par l'assemblée générale des copropriétés ; cette activité entraînait des nuisances sonores et olfactives, ainsi qu'une sur-occupation des parties communes ; la cour d'appel de Versailles avait accueilli l'action oblique exercée par le syndicat des copropriétaires, prononcé la résiliation du bail et condamné la locataire, in solidum avec son bailleur à payer des dommages et intérêts à la copropriété ; la Cour de cassation a approuvé cette décision. On peut supposer qu'ensuite, la société locataire s'est retournée contre le bailleur pour manquement à l'obligation de délivrance.

Civ, 3ème, 22 juin 2005, n° 04.12540 inédit : une société de carrosserie et peinture automobiles, locataire de locaux en copropriété a négligé de rechercher les autorisations administratives et celles de la copropriété, nécessaires à l'exercice de son activité, et réalisé d'important travaux affectant les parties communes sans l'autorisation de l'assemblée générale, à quoi s'ajoutait différentes nuisances et désordres ; le syndicat avait assigné le locataire et son bailleur ; la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence qui avait prononcé la résiliation du bail.


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