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Feu les actions possessoires



Le principe de la protection possessoire est posé par l'article 2278 du code civil : « la possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte ou la menace. La protection possessoire est pareillement accordée au détenteur contre tout autre que celui de qui il tient ses droits ».


Autrement dit, le droit protège les situations de fait, dès lors que l'on possède ou détient paisiblement, sans qu'il soit requis d'apporter la preuve de la propriété. Il en découle un principe de non cumul du pétitoire et du possessoire. Il n'est permis ni aux parties, ni aux juges de mêler la protection possessoire et une question de propriété.


Ce particularisme de la protection possessoire était parfois mal compris, ce dont il résultait des errements de différentes juridictions et donc des retards dans la solution des litiges.


Surtout, il était devenu parfaitement inutile puisque l'action en référé, simple et rapide, remplit parfaitement la fonction de protection du possesseur sur le seul constat de l'urgence, d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite, ainsi que la Cour de cassation l'a admis dans un arrêt d'assemblée plénière du 28 juin 1996 (Cass Ass Plénière, 28 juin 1996, n° 94-15.935).


Ainsi, les jours des actions possessoires étaient comptés dès lors que devait prévaloir un souci de simplification du droit et des procédures. Le projet de réforme du droit des biens, élaboré en 2008 sous la direction du professeur Perinet-Marquet, a proposé la suppression pure et simple de ces actions possessoires, et la Cour de cassation l'a recommandée avec insistance dans plusieurs de ses rapports annuels à compter de 2009.


Finalement, le législateur, sans toucher à l'article 2278 du code civil, a, par la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et de la sécurité intérieure, abrogé l'article 2279 du même code, selon lequel « les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement ». Par suite, les articles 1264 à 1267 du code de procédure civile, relatifs au régime et aux conditions de l'action possessoire ont été abrogés par le décret du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile.


Dans un arrêt du 24 septembre 2020 publié (n° 19-16370), la Cour de cassation a rappelé que depuis le 18 février 2015, seules les actions en référé assurent l'exercice de la protection possessoire.


Dans cette affaire, un propriétaire, affirmant bénéficier d'une servitude de passage sur le fonds voisin, avait assigné le propriétaire de ce fonds en enlèvement d'une clôture faisant obstacle à l'exercice de la servitude, non pas devant le juge des référés, mais au fond. Le tribunal puis la cour d'appel avaient fait droit à la demande. La Cour de cassation casse sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel pour violation de la loi, pour s'être prononcée sur le litige en lieu et place du juge des référés.


Cette erreur d'orientation initiale de la procédure, que les juges n'ont pas relevée, a retardé de deux ou trois ans la résolution du litige.


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