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Charges de copropriété : le critère d'utilité




Le premier alinéa de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété énonce que : « Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées ». Cette disposition légale est d'ordre public et toute clause d'un règlement de propriété qui lui serait contraire serait réputée non écrite.

 

Par un arrêt publié du 9 mai 2019 (n° 18-17334), la Cour de cassation, troisième chambre civile, a confirmé sa jurisprudence pour l'application de cette disposition légale aux charges de fonctionnement des ascenseurs : « … est contraire au critère d'utilité une répartition par parts égales des charges d'ascenseur entre des lots situés à des étages différents ».


En l'espèce, la propriétaire d'un appartement situé au premier étage d'un immeuble, soumis au statut de la copropriété et comportant cinq étages, a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la clause de règlement de copropriété relatives aux charges d’ascenseur, et de la résolution de l’assemblée générale décidant d’une nouvelle répartition de ses charges, ainsi qu’en fixation judiciaire d’une nouvelle répartition.

 

Par un arrêt du 28 février 2018, la cour d'appel de Paris a rejeté sa demande, relevant que le règlement de propriété précise explicitement les raisons de la répartition égale des charges d'ascenseur par référence au critère d'utilité, sans considération de l'étage occupé, et donc de la même manière qu'une partie commune, et retenant que la demanderesse ne démontre pas que le critère d'utilité ainsi précisé serait contraire à la réalité et aux prévisions légales.


Mais pour la Cour de cassation, le respect du critère d'utilité pour la fixation des charges d'ascenseur implique nécessairement de considérer le coefficient théorique d'usage de cet équipement, autrement dit l'étage habité par chacun des copropriétaires.


Cette jurisprudence trouve son précédent dans un arrêt du 23 juin 2010 (Civ, 3ème, 23 juin 2010, n° 09-67529) qui, au visa de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, a cassé un arrêt de cour d'appel qui avait retenu qu'était permise une clause de répartition des charges d'ascenseur qui « tienne compte d'une utilisation effective qui, au demeurant, ne dépend pas seulement de la situation de chaque lot dans l'immeuble mais aussi de circonstances de fait tenant à l'intérêt que présente l'équipement pour chacun, circonstances qui ne sauraient être déterminées a priori... ». La Cour de cassation a sanctionné cette interprétation du critère d'utilité et reproché à la cour d'appel de n'avoir pas recherché « si la répartition des charges de réparation et d'entretien de l'ascenseur au prorata des droits des copropriétaires dans les parties communes était conforme à l'utilité pour chaque lot de cet élément d'équipement ».


Ainsi, « l'utilité » d'un équipement commun ou d'un service collectif est appréciée objectivement, quel que soit son usage concret par les copropriétaires et quand bien même certains d'entre eux s'abstiendrait de tout usage de cet équipement ou service.

 

Par exemple, l'installation d'un portail automatique à l'entrée des garages souterrains constitue un élément d'équipement commun dont les frais doivent être répartis en fonction du critère d'utilité et le juge peut souverainement retenir que la mise en place d'un tel portail automatique présentait une utilité objective pour tous les copropriétaires en protégeant leurs lots des intrusions extérieures et des actes de vandalisme. Dans ces conditions, les charges relatives à l'installation et à l'entretien de ce portail automatique doivent être réparties entre tous les copropriétaires en fonction de la quote-part de parties communes afférentes à chaque lot (Civ, 3ème, 23 septembre 2014, n° 13-19282).

 

Il convient encore de se souvenir que dans un arrêt du 28 janvier 2016 (Civ, 3ème, 28 janvier 2016, n° 14-26921), la Cour de cassation a rappelé qu'il résulte des articles 10, alinéa 1er, et 43 de la loi du 10 juillet 1965, que l'action tendant à voir déclarer non écrite la clause de répartition des charges d'ascenseur n'est pas soumise au délai de prescription des actions personnelles de droit commun (articles 2224 du code civil et 42 de la loi du 10 juillet 1965) mais n'est pas soumise à prescription.

Dans un arrêt relativement récent (Civ, 3ème, 19 novembre 2020, n° 19-20405), la Cour de cassation a fait application du même principe de non prescription à propos des actions en contestation des clauses du bail commercial énumérées à l'article L.145-15 du code de commerce, clauses réputées non écrites depuis la loi Pinel.


Enfin, une clause réputée non écrite est censée n'avoir jamais existé, il en résulte que les charges perçues en application des anciennes règles doivent être revues et une nouvelle répartition entreprise (Civ, 3ème, 20 décembre 2000, n°99-16059). Néanmoins, les clauses du règlement de copropriété doivent recevoir application aussi longtemps qu’elles n’ont pas été déclarées non écrites par le juge (Civ, 3ème, 28 avril 2011, n° 10-14298 ; Civ, 3ème, 21 juin 2006, n° 05-13607). 


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