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La clause d'exclusion de la garantie des vendeurs et les servitudes non apparentes

  • camille7694
  • 10 juil.
  • 7 min de lecture

Cour de cassation, 3ème Civ, 13 février 2025, n° 23-17636, Publié



Cette décision éclaire utilement, en matière de vente immobilière, la distinction entre garantie des vices cachés et garantie des servitudes non apparentes.

 

Elle nous dit en substance que la clause de l'acte excluant la garantie du vendeur pour vice cachés, ne peut s'étendre aux servitudes non apparentes.

 

1.  En l'espèce, une personne achète une maison en 2017, et dans les mois qui suivent, des traces d'humidité et de mauvaises odeurs l'incitent à faire vérifier l'état et la situation de la maison. Entre autres défauts, il est constaté dans le sous-sol de la maison et du terrain une canalisation d'eau usées et pluviales commune à quatre logements, sur laquelle la maison est raccordée.

 

Cette canalisation n'ayant pas été portée à sa connaissance au moment de la vente, l'acquéreur a assigné le vendeur en résolution de la vente et en dommages et intérêts.

 

Par un jugement de 2021, le tribunal judiciaire de Cahors a fait droit à ces demandes. Il a relevé que l'acquéreur n'avait pas été informé de la servitude de canalisation, laquelle était de nature à peser lourdement sur la gestion du fonds acquis, et que le contrat de vente ne comportait pas de clause de non garantie en cas de servitude cachée.

 

La cour d'appel d'Agen, par un arrêt du 22 mars 2023, a réformé ce jugement et rejeté l'action en garantie de l'acquéreur de l'immeuble. La cour d'appel a retenu que les vendeurs ne pouvaient pas avoir connaissance de l'existence de la canalisation souterraine et que le contrat de vente comportait une clause excluant tout recours contre le vendeur « pour quelque cause que ce soit, notamment en raison des vices apparents, des vices cachés ». Selon la cour d'appel, une telle formulation incluait les servitudes non apparentes. Cette clause était donc opposable à l'acquéreur.

 

L'acquéreur a formé un pourvoi en cassation. Pour l'essentiel, le moyen soumis à la Cour de cassation soutenait que la clause d'exclusion de la garantie pour vices cachés était inopérante s'agissant de servitudes non apparentes.

 

2.  Le code civil, dans ses articles relatifs à la vente, ouvre une section intitulée « de la garantie » (articles 1625 à 1649).

 

L'article 1625 assigne deux objets à la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur : en premier lieu la possession paisible de la chose vendue, en second lieu les défauts cachés de cette chose et les vices rédhibitoires.

 

Ensuite, un premier paragraphe de cette section est consacré à la garantie en cas d'éviction (articles 1626 à 1640).

 

Cette garantie a elle-même deux objets : en premier lieu, la possession paisible par l'acheteur de la chose vendue, en second lieu la garantie s'applique aux charges prétendues sur l'objet de la vente et non déclarées par le vendeur (article 1626).

 

L'article 1638 du code civil dispose que « si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité ».

 

Ainsi, une canalisation non apparente, diminuant l'usage du terrain vendu et n'ayant fait l'objet d'aucune déclaration par le vendeur, constitue une charge occulte grevant le fonds (Civ, 3ème, 24 septembre 2014, n° 1318924).

 

Il n'existe donc pas d'obligation déclarative pour les servitudes apparentes.

 

On rappellera que le code civil, après avoir opposé à l'article 688 les servitudes continues et celles qui sont discontinues, distingue à l'article 689 les servitudes apparentes et celles qui ne sont pas apparentes, et définit ces dernières par une quasi-tautologie : une servitude non apparente est celle qui n'a pas de signe extérieur de son existence. Elle peut n'avoir qu'une existence immatérielle, comme une interdiction de construire ou de construire au-delà d'une certaine hauteur, ou n'être pas matériellement visible parce que non apparente, telle, comme en l'espèce, une canalisation souterraine. Les servitudes non apparentes ne peuvent s'établir que par titre (article 691).

 

3.  Après avoir traité le paragraphe consacré aux garanties en cas d'éviction, le code civil ouvre le paragraphe 2 intitulé : « de la garantie des défauts de la chose vendue ».

 

Dans le code civil, au titre de la vente (toutes ventes), au chapitre des obligations du vendeur, un paragraphe est consacré à « la garantie des défauts de la chose vendue ».

 

Le premier article de ce paragraphe est l'article 1641 selon lequel « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ». 

 

Cette garantie vaut, même si le vendeur ne connaissait pas le vice et à moins, selon l'article 1643, qu'il ait été stipulé dans l'acte de cession qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

 

Garantie des vices cachés :

Conditions de mise en œuvre

Garantie des servitudes non apparentes :

Conditions de mise en œuvre

Vices ou défauts cachés de la chose qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine,

 

Ou qui diminue tellement cet usage que si on avait connu ce défaut, on n’aurait pas acquis la chose, ou on en aurait donné un moindre prix.

 

La connaissance par l'acheteur des vices au moment de la vente exclut la garantie.

 

 

Ce sont les vices rédhibitoires (article 1648).

Les servitudes non apparentes et non déclarées sont de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit.

 

 

 

 

 

La garantie n'est pas due si l'acheteur connaissait, au moment de la vente, l'existence des servitudes non apparentes.

 

Ce sont les défauts cachés de la chose vendue (article 1625).

Garantie des vices cachés :

Options de l'acquéreur

Garantie des servitudes non apparentes :

Options de l'acquéreur

Dans tous les cas, l'acquéreur a le choix soit de rendre la chose et de se faire restituer le prix, soit de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix (article 1644).

Si le vendeur connaissait le vice de la chose, il peut en outre être tenu à des dommages et intérêts envers l'acheteur (article 1645).

 

Mais si le vendeur ignorait le vice de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix et à la restitution des frais occasionnés par la vente et supportés par l'acquéreur (article 1646).

 

La prescription de l'action est de deux ans à compter de la découverte du vice (article 1648), avec un délai maximum de 20 ans à compter de la vente (jurisprudence).

 

L'acquéreur peut soit demander la résiliation du contrat si la servitude non apparente est d'importance, soit, quelle que soit l'importance de la servitude, se contenter d'une indemnité s'il souhaite conserver le bien (article 1638 et jurisprudence).

 

 

 

Le vendeur doit la garantie, même s'il a ignoré de bonne foi l'existence de servitudes non apparentes pesant sur le fonds (jurisprudence).

 

 

Les mêmes règles de prescription et de délai maximum s'appliquent en matière de garantie des servitudes non apparentes.

Il peut être stipulé dans l'acte que le vendeur ne sera tenu à aucune garantie (article 1643).

 

Les parties à l'acte de vente peuvent ajouter à la garantie contre l'éviction ou en diminuer l'effet, ils peuvent aussi exclure toute garantie (article  1627).

 

 

4.  Ainsi, garantie contre les servitudes occultes et garantie contre les vices cachés sont des notions distinctes, organisées par des textes d'inspiration différente, décrites de manières différentes, ouvrant aux acheteurs des droits distincts et des options différenciées.

 

La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de sanctionner une cour d'appel qui avait considéré qu'une servitude non apparente et non déclarée lors de la vente était un vice caché et avait accueilli une action fondée sur l'article 1641 du code civil (Civ, 3ème, 27 février 2013, n° 1128783, Publié). Une servitude non apparente est un droit réel grevant le bien et appartenant à un tiers, ce n'est pas un vice de la chose comme le serait une infestation de mérules.

 

L'arrêt commenté du 13 février 2025 s'inscrit dans cette même ligne. De manière très pédagogique, l'arrêt se réfère à l'organisation et à la lettre des textes du code civil, relève que la garantie des servitudes non apparentes est une application du principe que le vendeur doit garantir son acheteur contre l'éviction (et non contre les vices de la chose), rappelle que le régime indemnitaire de la servitude occulte et non déclarée est spécifique (Civ, 3ème, 6 juillet 2023, n° 2213179, Publié : « l'importance de la servitude occulte exigée par l'article 1638 du code civil ne conditionne que la résiliation de la vente, et non l'indemnisation du préjudice pouvant résulter pour l'acquéreur de toute servitude non apparente non déclarée lors de la vente »). 

 

Il en découle, selon la Cour de cassation, que seule une clause expresse de l'acte de vente peut décharger le vendeur de la garantie des servitudes non apparentes non déclarées. L'acte de vente, en l'espèce, stipulait que l'acquéreur prendra le bien dans l'état où il se trouve au jour de la vente et n'aura aucun recours contre les vendeurs pour quelque cause que ce soit, notamment en raison des vices apparents ou des vices cachés, n'excluait pas expressément la garantie des servitudes non apparentes non déclarées. Le notamment introduit dans la clause ne permettait pas d'étendre ses effets aux servitudes non apparentes. L'arrêt de la cour d'appel d'Agen est donc cassé pour violation de la loi.

 

Cette décision est évidemment un avertissement adressé aux notaires qui devront, sauf à manquer à leur obligation de conseil (comme en l'espèce), veiller à introduire systématiquement et par défaut, dans les actes de cession, et dès lors qu'est seulement plausible ou possible l'existence d'une servitude non apparente pesant sur le fonds vendu, une clause dédiée de non garantie.

 

Enfin, la jurisprudence classique demeure le cas échéant applicable, selon laquelle le vendeur d'un fonds, qui affirme faussement dans l'acte de vente qu'il n'a constitué sur ledit fonds aucune servitude et qu'il n'en existe pas à sa connaissance, commet une faute contractuelle dont il doit réparation (Civ, 3ème, 21 mars 2001, n° 99-10913, Publié).



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