Le code civil, au chapitre de « la nullité et de la résolution de la vente » comprend deux sections, la première consacrée à la faculté de rachat, la seconde à la rescision de la vente pour cause de lésion. L'article 1659 du code civil, dans sa rédaction de 1804, définit la faculté de rachat ou de réméré comme un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, immobilière ou mobilière, à l'issue d'une période déterminée, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement des frais.
Le mot réméré (du latin redimere, racheter) a été supprimé du texte du code civil par une disposition de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit. Le terme reste cependant en usage dans la pratique contemporaine, à l'université comme dans les cours et tribunaux.
L'institution nous vient de l'Ancien Régime. Son objet était de pallier l'interdiction du prêt à intérêt qui n'a été remise en cause qu'en 1790. Consacrée par le code civil, son objet reste aujourd'hui inchangé. En matière immobilière où la vente à réméré trouve naturellement à s'appliquer, la pratique aujourd'hui n'en est pas tout à fait usuelle.
Un propriétaire rencontrant de graves difficultés financières, plutôt que de recourir à l'emprunt ou prendre le risque d'une saisie immobilière, vend son bien par un acte authentique qui fixe non seulement le prix de vente, généralement inférieur au prix de marché, mais aussi le prix de rachat et l'échéance de ce rachat. La jurisprudence admet depuis longtemps que le prix de rachat puisse être supérieur au prix de vente (Civ, 3ème, 13 novembre 1970, n° 63-13109).
S'il demeure dans les lieux, le vendeur est débiteur d'une indemnité d'occupation. Revenu à meilleure fortune, le vendeur exerce la faculté de réméré. L'acheteur perçoit la différence entre le prix de rachat et le prix de revente, si les parties en sont ainsi convenues. Il est aussi rémunéré pendant la période par la perception des indemnités d'occupation ou des loyers, si le bien est donné à bail. Pour cet acheteur, l'opération est sans risque véritable.
Les principes posés par le code civil, tels que mis en œuvre par la jurisprudence, sont les suivants.
1. Le terme fixé pour l'exercice de la faculté de rachat ne peut excéder cinq années. Les parties peuvent évidemment convenir d'un délai plus court. Elles peuvent, par avenant, prolonger le délai initialement fixé, mais sans pouvoir dépasser le délai de cinq ans. Le juge ne peut prolonger ni le délai conventionnel ni le délai légal de cinq ans (articles 1660 et 1661 du code civil).
2. La vente avec faculté de réméré caractérise, comme cela découle de la lettre du code civil, une vente sous condition résolutoire, telle que la définit l'article 1584 du code civil. Cette condition résolutoire est particulière car elle ne tient qu'à la seule volonté du vendeur d'exercer ou non le droit à réméré.
Il s'agit donc, conformément à la vieille définition du code civil, d'une condition potestative, c'est à dire d'une condition qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qui ne dépend que de la volonté de l'une ou l'autre des parties contractantes. Ainsi, l'institution déroge au principe de l'article 1304-2 du même code civil, selon lequel « est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en connaissance de cause ».
3. Les parties doivent être attentives aux conditions contractuelles de la vente et du rachat, lesquelles peuvent, en cas de litige, entraîner une annulation du contrat de vente, s'il ressemble à autre chose qu'à un contrat de cession immobilière. Il s'agit là de la première source de contentieux en matière de vente à réméré.
Selon la formulation de la Cour de cassation, la vente à réméré peut déguiser un pacte commissoire prohibé lorsque, portant sur la résidence principale du vendeur, elle dissimule une opération de crédit et a pour objet d'éluder les dispositions protectrices des emprunteurs relatives au taux d'usure. La Cour emploie parfois l'expression ancienne de contrat pignoratif, lorsque la vente dissimule un gage ou un prêt ou un pacte commissoire prohibé.
Le pacte commissoire, tel que défini à l'article 2348 du code civil depuis l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, est la convention conclue à l'occasion de la constitution d'un gage, selon laquelle le créancier deviendra propriétaire du bien gagé en cas de défaillance du débiteur. Un tel pacte peut intervenir en matière immobilière. Le créancier s'épargne ainsi les complications de la procédure de saisie immobilière. Toutefois, le pacte commissoire est prohibé dans différents cas de figure, notamment lorsqu'il porte sur la résidence principale du débiteur (article 2452 du code civil).
Pour se prononcer sur la nature réelle du contrat, les juges ont recours à différents indices très concrets, de nature à révéler la véritable intention des parties. Il a été jugé que la requalification d'une vente à réméré en pacte commissoire interdit ne pouvait se déduire de la seule concomitance entre un contrat de prêt et un acte de vente (Civ, 3ème, 21 mai 2014, n° 12-23607 Publié).
Dans une affaire récente, la cour d'appel, approuvée par la Cour de cassation qui contrôle toujours les opérations de requalification, a retenu que, malgré la qualification de l'acte en vente à réméré, l'existence d'un prêt à caractère usuraire résultait de la différence entre le prix de vente et le prix de rachat rapportée à la durée de la convention et de la majoration de la rémunération de l'acquéreur par le versement d'indemnités de jouissance dont le montant annuel correspondait à près de 9 % du prix d'achat, ce dont il résultait que la vente constituait un pacte commissoire déguisé et prohibé (Civ, 3ème, 24 juin 2021, n° 18-197717). La convention, dans son ensemble, est alors frappée de nullité.
Le juge peut inclure dans son appréciation tous éléments de contexte. Dans une affaire où l'acte de vente à réméré portant sur la résidence principale du vendeur, prévoyait en même temps un prix de vente manifestement sous-évalué et des conditions de rachat usuraires, les juges ont cependant refusé la requalification du contrat au motif que la vente à réméré constituait pour le vendeur un mode habituel de financement alors que les acheteurs ne pratiquaient pas usuellement de telles opérations.
La Cour de cassation approuve cette motivation, en énonçant comme principe que la prohibition des contrats pignoratifs (a) pour but de protéger les débiteurs non rompus à ces pratiques, et non les débiteurs utilisant de manière délibérée, réfléchie et habituelle le réméré comme moyen de financement (Civ, 2ème, 1er octobre 2020, n° 19-17668).
Comme exemples d'appréciations in concreto des conditions et circonstances de la convention, ces arrêts : Civ, 3ème, 4 octobre 2018, n° 17-21894 ; Civ, 3ème, 2 février 2017, n° 15-14225 ; Civ, 3ème, 21 mai 2014, n° 12-23607 Publié).
4. Durant la période au terme de laquelle le vendeur exercera ou n'exercera pas le droit au rachat, l'acquéreur détient sur le bien vendu à réméré tous les droits du propriétaire.
Il peut donner à bail le bien, ou le revendre ou le grever de droits réels. Mais, si les baux régulièrement conclus et qui ont date certaine (article 1743 du code civil) sont opposables au vendeur exerçant la faculté de rachat, les autres actes accomplis par l'acquéreur sont soumis, comme la vente elle-même, à la condition résolutoire (article 1673, alinéa 2). L'acquéreur perçoit pour son propre compte les fruits produits par le bien. Il peut, le cas échéant, prescrire contre le véritable propriétaire (article 1665).
L'acquéreur peut opposer le bénéfice de la discussion aux créanciers de son vendeur à réméré (article 1666), c'est à dire les renvoyer vers leur débiteur.
Quant au vendeur à réméré, selon une jurisprudence ancienne et constante, il ne détient plus aucun droit réel sur le bien, mais tient seulement du contrat de vente un droit personnel à racheter ce bien dans les conditions contractuellement arrêtées, ou à ne pas le racheter. Il devrait donc être en mesure de céder ou transmettre son droit à l'exercice du réméré, dans les conditions d'une cession de créance, mais aucune juridiction ne paraît avoir eu l'occasion de le reconnaître.
5. Aux termes de l'article 1673 du code civil, le retour en possession du vendeur qui a exercé la faculté de rachat n'intervient que lorsqu'il a satisfait à toutes ses obligations légales et conventionnelles, non seulement le remboursement du prix principal mais aussi le paiement des frais, des réparations nécessaires et des dépenses qui ont augmenté la valeur du fond. La seule déclaration d'intention de mettre en œuvre le droit au rachat est inopérante (Civ, 3ème, 8 décembre 2016, n° 15-27762 ; Civ, 3ème, 20 décembre 2016, n° 06-13078 Publié). Mais les parties peuvent en convenir autrement dans l'acte de vente à réméré.
Si le bien a été revendu, la faculté de rachat est exercée auprès du sous-acquéreur même si ce dernier n'a pas eu connaissance du pacte de rachat (article 1664). Toutefois, ce sous-acquéreur pourrait appeler son vendeur au titre de la garantie contre l'éviction (article 1626).
Lorsque les parties sont en désaccord que le prix de rachat et les remboursements et que le juge est saisi du litige, le transfert de propriété résultant de l'exercice de la faculté de réméré ne peut intervenir qu'après paiement du prix et des frais définitivement fixés par le juge (Civ, 3ème, 8 novembre 2018, n° 14-25005, Publié).
Une certaine jurisprudence peut pousser le principe au bout de sa logique littérale. Dans une affaire, il est vrai, inhabituelle où les parties à un acte de vente à réméré étaient convenues que le prix serait payable au terme d'un certain délai, le vendeur a, pour une raison quelconque, exercé la faculté de rachat avant le paiement de ce prix. L'acquéreur s'y est opposé et le vendeur a saisi le juge, invoquant la compensation légale (article 1291 du code civil) entre les créances de chacune des parties sur l'autre. La cour d'appel lui a donné tort : la notification de l'intention d'exercer le droit à réméré était inopérante faute d'avoir consigné le prix de rachat.
La Cour de cassation casse cet arrêt au nom d'un certain bon sens : si l'acquéreur n'a pas payé le prix, il est assez clair que la faculté de réméré peut être exercée par le vendeur sans que l'obligation de paiement prévue à l'article 1673 du code civil pour le rachat puisse lui être opposée (Civ, 3ème, 25 octobre 2008, n° 05-16250).
Si le pacte de réméré a été régulièrement publié au fichier immobilier, le vendeur récupère son bien exempt de toutes charges et hypothèques, Mais les baux faits sans fraude et ayant date certaine lui sont opposables.
L'exercice par le vendeur du droit de réméré constitue l'accomplissement de la condition résolutoire convenue lors de la vente. Il n'opère pas une nouvelle mutation, mais replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette vente (Civ, 3ème, 31 janvier 1984, n° 82-13549 Publié), sous la réserve, comme on l'a vu, que l'acquéreur évincé conserve les fruits, tels les loyers.
6. La Cour de cassation, dans un arrêt récent (Civ, 3ème, 8 juin 2023, n° 22-17992 Publié), a rappelé que l'exercice régulier de la faculté contractuelle de rachat caractérise une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.
Dans cette affaire, la vente de terrains avec faculté de rachat dans le délai de cinq ans avait été consentie à une SCI. Cette dernière avait construit sur ces terrains un immeuble soumis au statut de la copropriété. Les vendeurs ont régulièrement notifié à la SCI et au syndic l'exercice du droit de rachat. Mais le syndicat des copropriétaires a refusé la cession. Treize ans plus tard, les héritiers des vendeurs ont assigné le syndicat pour faire constater que le droit de rachat avait été régulièrement exercé et qu'ils étaient propriétaires des terrains. Le syndicat leur a opposé une fin de non recevoir au motif de la prescription de l'action. La cour d'appel avait rejeté cette fin de non recevoir, retenant que les vendeurs étaient redevenus propriétaires dès la notification de leur volonté d'user de la faculté de rachat et qu'en conséquence, leur action n'était rien d'autre qu'une revendication immobilière, par nature imprescriptible. Cette motivation était peu respectueuse des textes. La Cour casse l'arrêt au motif que l'exercice régulier de la faculté contractuelle de rachat prévue à l'acte de vente, est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil.
7. Si le vendeur n'exerce pas l'action en rachat dans les termes et conditions prescrits, l'acquéreur devient propriétaire irrévocable du bien (article 1662). Le vendeur, s'il occupe les lieux, perd son titre et doit les quitter à moins qu'un nouveau titre lui soit consenti.
La vente à réméré survit donc de nos jours et, dans certaines circonstances, conserve son utilité sociale et économique. Mais elle comporte des risques importants et il ne peut y être fait recours qu'avec de grandes précautions et les meilleurs avis.
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