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Du nouveau sur l'action en démolition contre le propriétaire d'un ouvrage édifié

Dernière mise à jour : 4 nov. 2023


On sait que la démolition d'une construction après l'annulation du permis de construire n'a rien d'automatique et que le législateur est de moins en moins enclin à l'encourager lorsque la construction a été édifiée conformément à un permis de construire alors valable. La jurisprudence a suivi à peu près le mouvement jusqu'à cet arrêt du 11 janvier 2023 qui, au bénéfice d'une possible incertitude affectant le texte de loi interprété littéralement, paraît s'inscrire dans un mouvement inverse qui vise à garantir plutôt le droit à agir des voisins ou associations qui peuvent justifier d'un préjudice, que la sécurité juridique des constructions édifiées conformément à un permis de construire.


Cette décision s'inscrit dans un contentieux épique relatif à la construction d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Lunas (Hérault), engagé depuis 2004 devant les juridictions administratives puis judiciaires. L'arrêt commenté en est une péripétie qui n'a encore rien de décisif.

1. La construction jurisprudentielle


Jusqu'en 1976, par construction jurisprudentielle, le juge judiciaire pouvait faire droit à une demande en démolition et en indemnisation en raison de la construction d'un ouvrage, que cette construction ait été réalisée conformément à un permis de construire ou qu'elle ait été édifiée sans permis de construire ou en violation de ce permis.


Seules deux conditions devaient être satisfaites : la violation d'une servitude d'urbanisme et un préjudice répondant aux exigences de l'ancien article 1382 du code civil.


La prescription était celle de 10 ans du droit commun de l'époque. Cette situation a été beaucoup critiquée comme portant atteinte à la séparation des pouvoirs, et comme source d'insécurité juridique pour les maîtres d'ouvrage et constructeurs.

Aussi, une loi du 31 décembre 1976 a créé l'article L480-13 du code de l'urbanisme et stipulé que lorsque l'ouvrage a été construit conformément à un permis de construire, l'action judiciaire en démolition ou en indemnisation est subordonnée soit à l'annulation du permis de construire soit à la constatation de son illégalité par le juge administratif, sur question préjudicielle posée par le juge judiciaire. En outre, le délai de l'action était réduit de 10 à 5 ans après l'achèvement des travaux.

Plus tard, le développement des actions judiciaires, à une époque où la construction de logements était devenue une politique publique prioritaire, a conduit le législateur à revenir sur les conditions et le régime de l'action. La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, inspirée à cet égard par le rapport de la commission Pelletier de janvier 2005, a entendu rendre plus difficile le recours à L480-13, en particulier en exigeant que le permis de construire ait été annulé par le juge administratif avant l'exercice de l'action, supprimant ainsi la voie des questions préjudicielles, et en réduisant le délai de prescription de 5 à 2 ans à compter de la décision d'annulation du permis de construire.

Mais cela s'est avéré, aux yeux du gouvernement, insuffisant pour contenir les recours jugés abusifs et encourager les promoteurs à prendre des risques financiers. La loi du 6 août 2015, conformément à une préconisation du groupe de travail présidé par le conseiller d'Etat Labetoulle (février 2013), a réduit le périmètre de l'action en démolition aux zones géographiques, d'intérêt environnemental ou patrimonial pour la plupart, limitativement énumérées par l'article L480-13 modifié. Cette condition de zone n'est cependant pas opposable au préfet engageant l'action civile en démolition (article L600-6 du code de l'urbanisme). L'action ne visant qu'au paiement de dommages et intérêts n'est pas limitée par cette condition de localisation.

2. Les conditions légales à l'action en démolition

  • Une construction édifiée conformément à un permis de construire, ce qui exclut les constructions sans permis ou qui n'ont pas respecté un permis ou réalisées au bénéfice d'une déclaration de travaux ;

  • Une construction située dans l'une des zones énumérées par la loi ;

  • Un permis de construire violant une règle d'urbanisme ou une servitude d'utilité publique ;

  • L'annulation du permis de construire par le juge administratif de l'excès de pouvoir ;

  • Un préjudice en lien de causalité avec la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique ;

  • Une action engagée moins de deux ans après que la décision administrative annulant le permis de construire ait acquis le caractère définitif ;

Seul peut-être visé par l'action en démolition le propriétaire de l'immeuble.

S'agissant de la responsabilité du constructeur, les dispositions substantielles de l'article L480-13 le concernant n'ont pas été modifiées depuis la loi du 13 juillet 2006 : il ne peut être condamné qu'à des dommages et intérêts si le permis de construire a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative (Civ, 3ème, 20 février 2002, n° 00-14846 Publié). Dans ce cadre, la question préjudicielle demeure possible.


Quant à la responsabilité pécuniaire du propriétaire, que l'article L480-13 n'évoque pas, elle peut être recherchée selon les règles du droit commun.

3. La condition de zone a été contestée devant le juge judiciaire par le moyen d'une QPC. Par arrêt du 12 septembre 2017 (n° 17-40046), la Cour de cassation a soumis la question au Conseil constitutionnel en relevant que cette condition de zone était susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit à réparation des victimes d'actes fautifs et à leur droit à un recours juridictionnel effectif.

Par décision du 10 novembre 2017 n° 2017-672 QPC, le Conseil constitutionnel a conclu à la conformité du texte de l'article L180-13 du code de l'urbanisme, en relevant que le législateur, en édictant la condition de localisation, avait poursuivi un objectif d'intérêt général visant à réduire l'incertitude juridique pesant sur les projets de construction et contenir les recours abusifs.

Le Conseil constitutionnel a jugé que la condition de zone ne porte pas une atteinte disproportionnée des droits des personnes d'obtenir réparation de leur préjudice. En effet, selon lui :

Conformément au droit commun de la responsabilité civile, l'action en démolition demeure possible sans condition de zone lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ou en méconnaissance du permis ;

Lorsque l'action en démolition n'est pas possible, la personne qui a subi un préjudice peut toujours poursuivre une réparation sous forme indemnitaire et, le cas échéant, rechercher la responsabilité de la personne publique pour délivrance fautive d'un permis de construire irrégulier.

4. Certaines juridictions judiciaires ont continué de recevoir l'action en démolition hors des zones spécifiées à l'article L480-13, non pas sur le fondement des dispositions du code de l'urbanisme mais sur celui de la responsabilité quasi délictuelle du propriétaire du fonds voisin. La Cour de cassation a condamné cette jurisprudence, en énonçant que l'article L. 480-13 est le seul fondement de l'action en responsabilité civile tendant à la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, lorsque l'annulation est fondée sur la violation de règles d'urbanisme ou de servitudes d'utilité publique. Dans ce cas, la condition de zone ne peut pas être contournée (Civ, 3ème, 21 mars 2019, n° 18-13288 Publié).

En revanche, l'article L430-13 n'est pas exclusif d'une demande de démolition d'un immeuble édifié conformément à un permis de construire, fondée sur la violation de règles de droit privé, par exemple pour le non respect du droit de propriété, ou d'une servitude conventionnelle ou pour cause d'enclave, ou encore pour trouble anormal de voisinage (notamment Civ, 3ème, 20 octobre 2021, n° 19-23233 Inédit ; Civ, 3ème, 23 mai 2002, n° 00-20861 Publié ; Civ, 3ème, 20 décembre 1989, n° 88-19438 Publié).

Quel que soit le fondement de la demande en démolition, dès lors que les conditions de droit de cette démolition sont satisfaites, le juge doit la prononcer, sans pouvoir en apprécier ni l'opportunité ni la proportionnalité (notamment Civ, 3ème, 30 septembre 1998, n° 96-19771 Publié).

5. La localisation de la construction à l'intérieur de l'une des zones protégées a pu exiger interprétation. Dans une affaire où était demandée la démolition d'une construction édifiée aux abords d'un monument historique, l'une des zones énumérées à l'article L480-13, la cour d'appel avait rejeté l'action en retenant, par référence à l'article L621-30 du code de l'urbanisme relatif à la servitude d'utilité publique de protection des abords d'un monument, et en l'absence d'une décision administrative délimitant le périmètre de protection, que le demandeur n'établissait ni que la construction avait été édifiée à moins de 500 mètres du monument, ni que cette construction était visible du monument historique ou visible en même temps que lui.


La Cour de cassation retient que le demandeur n'avait pas été établi que l'immeuble construit était situé à moins de 500 mètres d'un monument protégé et que le moyen est de ce seul fait mal fondé. Mais la Cour écarte la condition de visibilité de la construction, déduite de l'article L621-30, dès lors qu'est seule exigée, comme condition de la démolition de l'immeuble, sa localisation, en l'espèce dans le périmètre de droit commun des 500 mètres à défaut d'un périmètre spécifique (Civ, 3ème, 16 novembre 2022, n° 21-24473 Publié). Cette interprétation, qui aurait pu être différente, est plutôt favorable à l'action des victimes.

Dès lors qu'à différentes reprises depuis 2015, la loi a modifié à l'article L480-13 la liste des zones où l'action en démolition demeure possible, la question s'est posée de la date à laquelle devait être appréciée cette condition de localisation. La Cour de cassation a dit que c'est à la date à laquelle il statue, que le juge doit procéder à cette appréciation (Civ, 3ème, 11 février 2021, n° 20-13627 Publié).

6. S'agissant du préjudice personnel dont doit justifier l'auteur de l'action en démolition, les juridictions ont toujours veillé à ce que le préjudice allégué corresponde strictement à l'illégalité sanctionnée par l'annulation du permis de construire et soit en relation directe avec cette illégalité. Ce préjudice ne peut résulter de la seule présence des constructions (Civ, 3ème, 13 juillet 1999, n° 96-19057 Publié ; Civ, 3ème, 29 janvier 1992, n° 90-10113 Publié). L'appréciation est parfois délicate et les juges peuvent avoir quelque difficulté à distinguer le préjudice personnel résultant de la violation d'une règle d'urbanisme par le permis de construire délivré, qui seul permet d'agir, et le préjudice résultant de la présence de la construction réalisée, insuffisant pour l'action en démolition (par exemple : Civ, 3ème, 30 novembre 2011, n° 11-16213 Inédit).

Il a été jugé qu'une association agréée ayant pour objet statutaire la protection de l'environnement est fondée à demander la démolition d'une construction édifiée en vertu d'un permis de construire déclaré illégal par la juridiction administrative, dans une zone inconstructible protégée pour la qualité de son environnement, sur des parcelles classées en espaces boisés à conserver, cette violation de la règle d'urbanisme, en portant atteinte à la vocation et à l'activité au plan départemental de l'association, lui causant un préjudice personnel et direct (Civ, 3ème, 26 septembre 2007, n° 04-20636 Publié).

7. Dans l'affaire jugée par la Cour de cassation le 11 janvier 2023, le préfet de l'Hérault avait, le 24 avril 2013, accordé à un opérateur privé, Energie Renouvelable du Languedoc, un permis de construire un parc de sept éoliennes sur la commune de Lunas. Les travaux ont été achevés le 26 février 2016. Mais, par arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 26 janvier 2017, le permis de construire a été annulé. Cet arrêt est devenu définitif après la non admission du pourvoi.

Trois associations de protection des paysages ont assigné l'opérateur devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de voir ordonnée, sur le fondement de l'article L480-13 du code de l'urbanisme, la démolition du parc éolien. Le tribunal, par jugement du 19 février 2021, a fait droit et a ordonné la démolition du parc éolien et la remise en état des lieux dans le délai de quatre mois sous astreinte.

Devant la cour d'appel, l'opérateur faisait valoir que le permis de construire n'avait été annulé qu'en raison de l'insuffisance de l'étude d'impact et que cette circonstance ne permettait pas de caractériser une méconnaissance des règles d'urbanisme, condition de mise en œuvre de l'article L480-13. De plus, il soutenait que n'était pas satisfaite la condition de localisation dans l'une des zones énumérées au texte. Enfin, selon l'opérateur, les associations demanderesses n'établissaient pas l'existence d'un préjudice en lien avec la faute à l'origine de l'annulation du permis de construire.

La cour d'appel de Montpellier relève dans son arrêt du 3 juin 2021 que l'annulation du permis de construire par la juridiction administrative était motivée par l'insuffisance de l'étude d'impact relative à la présence d'un couple d'aigles royaux dans le massif où le parc éolien a été construit. Elle en déduit que la construction litigieuse n'a pas été édifiée en méconnaissance des règles d'urbanisme ni de servitudes d'utilité publique lesquelles caractérisent des règles de fond en matière d'utilisation des espaces et non pas de simples règles de procédure. Par ailleurs, la cour d'appel relève, dans une motivation plutôt obscure, que le fait que le parc éolien soit situé dans l'une des zones visées par l'article L480-13, ne constitue pas en soi et d'une manière générale et abstraite une méconnaissance d'une règle d'urbanisme. Le jugement est donc infirmé et les associations déboutées.

Devant la Cour de cassation, les associations soutenaient, dans un premier moyen, que toute méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition fondée sur l'article L480-13 du code de l'urbanisme et que la cour d'appel ne pouvait distinguer selon que la règle méconnue était dite de fond ou de forme.

La Cour de cassation y fait droit et casse l'arrêt au double visa des articles L480-13 du code de l'urbanisme et 1240 du code civil. Elle retient que « toute méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l'action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation ». La distinction opérée par la cour d'appel entre règles d'urbanisme de fond et règles de procédure est donc inopérante. L'insuffisance de l'étude d'impact caractérise la violation d'une règle d'urbanisme au sens et pour l'application de l'article L480-13.

La publication de l'arrêt ne se rapporte qu'à ces motifs, qui seuls caractérisent un apport normatif notable.

La cassation est derechef prononcée sur un second moyen qui contestait les motifs de la cour d'appel sur la condition de localisation. L'arrêt de la Cour de cassation relève que « la condamnation à démolir une construction édifiée en méconnaissance d'une règle d'urbanisme ou d'une servitude d'utilité publique et dont le permis de construire a été annulé est subordonnée à la seule localisation géographique de la construction à l'intérieur de l'une des zones visées, sans qu'il soit nécessaire que la construction ait été édifiée en violation du régime particulier de protection propre à cette zone ». Les motifs de la cour d'appel étaient donc inopérants sur cette question de la localisation.

8. La Cour de cassation avait déjà rendu un arrêt sur la problématique des éoliennes terrestres, qualifiées depuis la loi du 12 juillet 2010 installations classées pour la protection de l'environnement, pour réaffirmer, contre une cour d'appel qui avait soutenu l'inverse, la pleine compétence du juge judiciaire pour connaître d'une action fondée sur l'article L480-13 (Civ, 1ère, 14 février 2018, n° 17-14703 Publié).

Maintenant, la Cour de cassation énonce dans les motifs publiés que pour l'application de l'article L480-13, toute méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique peut servir de fondement à l'action en démolition. La Cour ne l'avait jamais dit ainsi, mais elle n'avait jamais dit le contraire. Et cela ne va pas de soi.

En droit de l'urbanisme, on distingue depuis toujours règles de fond et règles de forme, ou pour reprendre la terminologie du juge administratif, légalité externe de l'acte attaqué (règles de compétence du signataire, de forme de l'arrêté, et de procédure telles les obligations de consultation), et légalité interne de cet acte (sa conformité aux règles de droit prévues par le code de l'urbanisme ou un PLU). Or, la construction jurisprudentielle opérée à compter du début des années soixante, permettant au juge d'ordonner la démolition d'une construction réalisée ne visait qu'à protéger ce que l'on appelait les servitudes d'urbanisme, notion ne désignant alors que les règles de fond, ou substantielles, « qui sont celles qui gouvernent l'occupation de l'espace, et qui, à cet effet, spécifient quelles constructions, sur un terrain donné, sont interdites, limitées ou encadrées » (étude de Mme Fanny Chenot à l'AJDI de septembre 2016 p. 593).

En revanche, la violation des seules règles procédurales gouvernant l'instruction et la délivrance d'un permis de construire, ne pouvait être utilement invoquée à l'appui d'une demande en démolition. Cette règle découle souvent a contrario des arrêts (notamment Civ, 3ème, 17 novembre 1971, n° 69-13989 Publié ; Civ, 3ème, 4 février 1976, n° 74-13306 Publié ; Civ, 3ème, 20 juillet 1989, n°88-11249 Publié ; Civ, 3ème, 28 mars 2001, n° 99-13781 Publié). C'est ce qu'a toujours enseigné l'Université et ce qu'exposent, par exemple, les services du Conseil constitutionnel à l'occasion de la QPC évoquée plus haut : la première condition à une action fondée sur l'article L480-13 est qu'une règle d’urbanisme ou une servitude d’utilité publique ait été méconnue ; « sont ainsi visées, selon la jurisprudence judiciaire, les seules règles de fond, à l’exclusion de celles de procédure. Il s’agit donc des règles régissant l’utilisation des sols en application du code de l’urbanisme (règlement national d’urbanisme, documents locaux d’urbanisme, règlements de lotissement, etc.). La démolition peut ainsi concerner, par exemple, un ouvrage bâti sur un terrain inconstructible ou en violation d’une règle de hauteur ou de prospect » (sur le site du Conseil constitutionnel). C'est cette doctrine que la cour d'appel de Montpellier, dans son arrêt cassé, a observée fidèlement.

Lorsque le législateur est intervenu en 1976, 2006 et 2015, son intention n'était pas de faciliter les actions en démolition de l'article L480-13 mais de les encadrer et de les contenir autant que possible. Il est manifeste que la conception élargie de la notion de règle d'urbanisme dans le texte, incluant règles de fond et règles de forme ou de procédure, qu'a définie la Cour de cassation dans l'arrêt commentée, n'a jamais été celle du législateur.

En l'espèce, aucune règle d'urbanisme de fond ne paraît avoir été méconnue à l'occasion de la délivrance du permis de construire. La décision commentée caractérise donc un revirement mais la Cour de cassation a le droit de revirer. Cette décision, par ailleurs, s'inscrit dans un mouvement plutôt favorable à l'action ne démolition de l'article L480-13, opposé donc aux préoccupations du législateur. Mais cette contradiction seule ne pouvait empêcher la Cour de cassation de statuer comme elle l'a fait.

9. Il reste que cette évolution conduit peut-être dans une impasse, car demeure la question de la nature du préjudice. On a vu (cf point 6 ci-dessus) que le préjudice dont le demandeur à l'action en démolition doit faire la preuve n'est pas analogue à l'intérêt à agir dont doit se prévaloir toute personne qui conteste un permis de construire (la construction doit affecter les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance du bien détenu ou occupé par le demandeur). Une jurisprudence, à ce jour constante, exclut que le préjudice exigé par l'article L480-13 puisse être simplement lié à la présence de la construction contestée. Il doit être en lien direct et certain, ou correspondre strictement à l'illégalité sanctionnée par l'annulation du permis de construire.

Les projets de parcs éoliens, installations classées pour la protection de l'environnement, sont soumis à une évaluation environnementale incluant une étude d'impact (annexe à l'article R122-2 du code de l'environnement et les articles L122-1 et s. du même code). Cette étude d'impact doit être incluse dans le dossier de demande de permis de construire (article R431-16 du code de l'urbanisme).

En l'espèce, l'étude d'impact a bien été réalisée et jointe au dossier de demande de permis de construire conformément à la prescription réglementaire du code de l'urbanisme. Le permis de construire n'a été annulé qu'en raison de l'insuffisance de cette étude d'impact qui avait négligé le sort des aigles royaux nichant sur la zone. L'irrégularité sanctionnée caractérise donc un manquement aux règles du code de l'environnement, en aucune manière aux prescriptions du droit l'urbanisme et des servitudes d'utilité publique. Accessoirement, la protection des aigles royaux du Languedoc ne paraît pas incluse dans l'objet social d'associations de protection des paysages et de l'esthétique. Il y a dès lors au moins une certaine logique dans l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier annulé par la Cour de cassation.

L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Nîmes. Celle-ci devra se conformer à l'interprétation par la Cour de cassation de la nature des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique évoquées par l'article L480-13 (sauf une rébellion toujours possible mais peu probable). Elle devra dire si la condition de localisation est remplie ce qui ne devrait pas susciter de difficultés (le tribunal judiciaire avait retenu que le parc éolien a été construit dans une zone « espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard » mentionnée à l'article L480-13, 1°, a)). Elle devra enfin se prononcer sur le préjudice invoqué par les associations et son lien de causalité direct et certain avec la violation d'une règle d'urbanisme ou d'une servitude d'utilité publique. Sur ce point, il est au moins possible d'hésiter. A moins, bien sûr, d'un second revirement.


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