Les premiers diagnostics immobiliers ont été instaurés par la loi Carrez en décembre 1996 pour arrêter de manière précise et incontestable la surface d'un bien à vendre dans un immeuble en copropriété. Depuis, pour protéger l'acquéreur d'un bien immobilier à usage d'habitation, l'intervention des diagnostiqueurs a été étendue à la recherche de plomb, d'amiante, aux performances énergétiques du logement, à son état parasitaire, aux risques naturels et technologiques, aux installations gaz et électricité. Aujourd'hui, l'article L271-4 du code de la construction et de l'habitation (CCH), prescrit le regroupement des différents diagnostics préalables à la vente dans le « dossier de diagnostic technique » dont l'objet est, aux termes de la loi, la protection de l'acquéreur immobilier. Le même texte prévoit qu'en l'absence de certains de ces diagnostics, le vendeur de l'immeuble ne peut pas s'exonérer de la garantie des vices cachés correspondante.
On sait que depuis 2009, un dossier de diagnostic technique, avec notamment l'indication de la surface, est obligatoirement établi pour la mise en location d'un local d'habitation à titre principal (article le 3-3 de la loi du 6 juillet 1989).
Selon l'article L271-6 du CCH, les diagnostics sont établis par une personne « présentant des garanties de compétence et disposant d'une organisation et de moyens appropriés ». Ses compétences doivent être certifiées par un organisme agréé (article R271-1 du CCH). Aux termes de l'article L271-6 du CCH, le diagnostiqueur doit s'abstenir de tout « lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance » à l'égard du donneur d'ordre, le vendeur ou son mandataire, comme de toute entreprise susceptible de réaliser des travaux sur les ouvrages, installation ou équipements. Le diagnostiqueur doit contracter une assurance professionnelle dont le montant de la garantie est précisé par l'article R271-2 du CCH.
La loi et les règlements ont entendu ainsi garantir la compétence et l'indépendance des diagnostiqueurs qui, bien que mandatés et rémunérés par les vendeurs (ou propriétaires bailleurs), interviennent pour protéger les candidats acheteurs (ou preneurs). La DGCCRF (répression des fraudes) a conduit deux enquêtes, la première en 2014, la seconde en 2017, pour vérifier le respect par les diagnostiqueurs immobiliers de leurs obligations légales et réglementaires. Si le nombre d'anomalies relevées est relativement important, une amélioration significative a été relevée en 2017, en particulier pour ce qui concerne l'indépendance des diagnostiqueurs à l'égard des agences immobilières, avec la fin de la pratique des commissions ou rétro commissions.
En cas de litige postérieur à la vente sur l'état de l'immeuble que le diagnostiqueur aurait mal ou incomplètement décrit, le vendeur de bonne foi demeure protégé par la clause du contrat de vente excluant la garantie des vices cachés. En effet, son obligation n'est que de transmettre à l'acheteur le dossier de diagnostic technique qu'aura établi le professionnel, et, à moins qu'il ait souscrit à l'égard de l'acheteur un engagement spécifique, sa responsabilité ne peut être recherchée au-delà de cette obligation légale et réglementaire (Civ, 3ème, 23 septembre 2009, n° 08-13373 ; Civ, 3ème, 14 décembre 2014, n° 13-17469).
Ce n'est qu'en cas de mauvaise foi que le vendeur est privé du bénéfice de la clause de non garantie stipulée au contrat de vente. Le cas de figure le plus courant est que le vendeur est de bonne foi ou que sa mauvaise foi ne peut être établie. L'acheteur doit donc rechercher la responsabilité du seul diagnostiqueur.
À l'égard de son donneur d'ordre, la responsabilité du diagnostiqueur est de nature contractuelle, et délictuelle à l'égard de l'acheteur (ou du preneur). On sait que dans un arrêt d'assemblée plénière du 6 octobre 2006 (n° 05-13255), la Cour de cassation a énoncé que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». Ce principe essentiel du droit de la responsabilité a été rappelé dans un arrêt récent de la même formation plénière (Cass Ass Plénière 13 janvier 2020, n° 17-19963 P.). En pratique, l'acquéreur immobilier ou le preneur peuvent donc fonder leur action sur un manquement contractuel du diagnostiqueur, par exemple sur le fait que celui-ci n'a pas rapporté une infestation avancée d'un immeuble par des insectes xylophages, infestation qu'il n'aurait pas manqué de remarquer par des investigations approfondies et sérieuses, conformes aux règles de l'art.
Mais, sur la nature du préjudice indemnisable de l'acheteur, la jurisprudence a tardé à se fixer. Deux traditions juridiques se sont affrontées dans les cours et tribunaux.
La tradition civiliste a prévalu d'abord, qui compte tenu du fait que le diagnostiqueur n'est pas à l'origine de l'état litigieux de l'immeuble, retient que le préjudice indemnisable de l'acheteur est celui d'une perte de chance, la chance d'acheter un bien dépourvu du vice constaté. Or on sait que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Autrement dit, l'acheteur qui devra engager des travaux pour réparer le vice dont il n'a pas été informé avant la vente par la faute du diagnostiqueur, ne sera indemnisé que d'une fraction du montant de ces travaux. Cette position été celle des 1ère et 2ème chambres civiles de la Cour de cassation.
Une tradition inspirée des principes du droit de la consommation, qui met au premier plan la protection de l'acheteur recherchée par la loi, retient que les travaux rendus nécessaires par le vice ignoré du diagnostiqueur et révélé postérieurement à la vente, caractérisent bien pour l'acquéreur un préjudice direct, personnel et certain, selon la formule consacrée, et que ce diagnostiqueur doit les financer intégralement (par les moyens de son assurance responsabilité). Ce fut la position de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation (notamment Civ, 3ème, 21 mai 2014, n° 13-14891).
Par un arrêt du 8 juillet 2015, la chambre mixte de la Cour de cassation (n° 13-16686) a tranché en faveur de la jurisprudence de la 3ème chambre civile. Dans cette affaire de vente immobilière, le rapport établi par le diagnostiqueur faisait état de « traces de termites et d'insectes xylophages sans activité ». Il est apparu après la vente, que la maison était dans un état avancé d'infestation et que d'importants travaux devaient être réalisés. Le tribunal puis la cour d'appel de Montpellier avaient fait droit à la demande des acquéreurs de condamner le professionnel et son assureur à financer ces travaux et à les indemniser de leur trouble de jouissance.
L'assemblée plénière rejette le pourvoi de l'assureur, retenant « que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné ; qu’ayant relevé que les investigations insuffisantes de la société HDI n’avaient pas permis que les acquéreurs soient informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser des travaux pour y remédier, la cour d’appel a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par M. et Mme X... du fait de ce diagnostic erroné avaient un caractère certain et que la société MMA, assureur de la société HDI, leur devait sa garantie ».
Par un arrêt du 8 décembre 2016 (n° 15-20497), la Cour de cassation a cassé un arrêt de la cour d'appel de Poitiers qui, dans une espèce analogue, avait refusé ou négligé d'appliquer la jurisprudence arrêtée par l'assemblée plénière en 2015.
Il reste que le diagnostiqueur ne pourra voir sa responsabilité civile engagée que s'il a agi en méconnaissance de ses obligations légales et réglementaires et des règles de l'art. A cet égard la jurisprudence est constante et l'assemblée plénière la reprend expressément à son compte dans son arrêt de 2015.
Ainsi, la Cour de cassation a pu écarter la responsabilité du professionnel dès lors qu'il « avait réalisé son diagnostic avec une mission conforme à l'arrêté du 22 août 2002 qui précise que l'opérateur recherche et constate de visu la présence de matériaux et produits accessibles sans travaux destructifs, et qu'il n'était pas démontré que la présence d'amiante était perceptible par un simple examen visuel » (Civ, 3ème, 6 juillet 2011, n° 10-18882). Mais la sévérité de ce contrôle s'est par la suite accrue, tout spécialement lorsqu'il est question d'amiante.
En effet, la Cour de cassation invite maintenant les juges à exiger des professionnels des recherches qui vont clairement au-delà des prescriptions de l'arrêté du 22 août 2002 qui paraît limiter la recherche à une inspection visuelle. Ainsi, dans un arrêt du 21 mai 2014 (n° 13-14891 P.), la Cour de cassation énonce « qu'ayant exactement retenu que le contrôle auquel devait procéder le diagnostiqueur n'était pas purement visuel, mais qu'il lui appartenait d'effectuer les vérifications n'impliquant pas de travaux destructifs et constaté que la société Augry Eps n'avait pas testé la résistance des plaques, ni accédé au comble par la trappe en verre située dans le couloir, la cour d'appel a pu en déduire que cette société avait commis une faute dans l'accomplissement de sa mission ». Autrement dit, une inspection visuelle peut s'avérer insuffisante et le diagnostiqueur ne doit négliger aucune recherche dans toutes les parties de l'immeuble, notamment les sondages, à l'exclusion des travaux destructifs.
Cette jurisprudence a été réaffirmée dans un arrêt publié du 17 septembre 2017 (n° 16-21942) dont le conclusif énonce « Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que l'opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, tout en relevant que le diagnostiqueur s'était abstenu d'effectuer des sondages non destructifs, notamment sonores, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, dès lors qu'il n'avait effectué de repérage que dans les parties visibles, il pouvait conclure à l'absence d'amiante dans les autres parties sans émettre de réserves, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
This work is licensed under CC BY-NC-SA 4.0
Comments